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Nouvelles communications sur les services publics dans l'Union européenne, nouvelle doctrine communautaire? (1)

 

Dans l'Union européenne, la notion de service public est démembrée en services d'intérêt général - SIG - (non économiques) et services d'intérêt général économique - SIEG - (marchands) qui en est une sous catégorie.

Dans les deux cas, il s'agit d'activités considérées comme ayant un intérêt particulier pour la collectivité qui justifie que leur exercice soit soumis à un certain nombre d'obligations dont le contenu varie selon le type de service.

 

Les différents types de Services Publics "à l'européenne"

Plus précisément, les SIEG sont des activités économiques remplissant des missions d’intérêt général qui ne seraient pas exécutées (ou qui seraient exécutées à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d’accessibilité, d’égalité de traitement, de prix) par le marché sans intervention de l'état. Les plus connus sont les services postaux, l'approvisionnement en énergie,les télécommunications, les transports publics, mais aussi, dans la conception communautaire, certains services sociaux comme les soins aux personnes âgées et handicapées...Les SIEG sont effectuées dans l'intérêt public dans des conditions définies par l'Etat, qui impose une obligation de service public sur un ou plusieurs fournisseurs. Certaines de ces obligations sont reprises par les textes comunautaires sous l'appellation de service universel qui englobe des exigences de qualité donnée pour le service fourni aux consommateurs et aux utilisateurs d'un pays, quelle que soit leur localisation géographique, et l'exigence de fournir le service à un "prix abordable" compte tenu des conditions spécifiques nationales. La définition de ces obligations de service universel spécifiques accompagne au niveau européen la libéralisation du marché dans des secteurs comme les communications électroniques, la poste et les transports. Cer les SIEG en tant qu'activité économiques relèvent des règles de concurrence et du marché intérieur à la condition, cependant, qu’elles ne fassent pas échec à l’accomplissement de la mission spécifique qui leur est assignée.

Contrairement aux SIEG, les SIG au sens strict du terme (qu'il est alors plus approprié d'appeler Services non économiques d'interêt général - SNEIG - pour mieux marquer la distinction avec les SEIG) rassemblent des activités de nature non économique, comme les « fonctions de puissance publique » (armée, police, justice...) et les « fonctions exclusivement sociales », qui se caractérisent par l’absence de contrepartie économique ou par le fait que ce que paye l'utilisateur n'est pas corrélé au coût effectif de la prestation (ex: gestion de régimes d'assurance obligatoire poursuivant un objectif exclusivement social, fonctionnant selon le principe de solidarité, offrant des prestations d'assurance indépendantes des cotisations, enseignement public). Ils ne sont pas soumis à une législation spécifique de l'UE, et échappent aux règles du traité relatives au marché intérieur et à la concurrence. Mais certains aspects de l'organisation de ces services peuvent être régis par d'autres règles générales du traité, comme le principe de non discrimination par exemple.

A mi chemin entre les deux existe une catégorie hybride, celle des services sociaux d'intérêt général (SSGI) considérés en principe comme des activités non économiques. Elle englobe notamment les régimes légaux de sécurité sociale mis aussi d'autres services essentiels prestés directement à la personne (par ex: lutte contre le chômage, la toxicomanie, formation, réinsertion professionnelle, inclusion des personnes, logement social) et appartient à la catégorie des SIG. Mais le caractère non économique de l'activité de certains n'est pas toujours tranché (la distinction n'est pas aisée, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne se limitant pour l'essentiel à donner une définition "négative" de cette notion en précisant que le caractère social d'un service n'est pas, en soi, suffisant pour considérer le service en question comme une activité non économique). La "doctrine" de la Commission a été précisée dans deux communications : la Communication "Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne: les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne" (1) et la communication sur "les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général: un nouvel engagement européen"(2). Certains SSGI pourraient alors être requalifiés en SEIG susceptibles de relever des règles du marché intérieur et du droit de la concurrence.

 

Quelles règles?

La frontière entre les différents types de "services publics" dépend de la conception de l'intervention publique qui prévaut à un moment et sur un territoire donnés. Une orientation libérale conduit à réduire le domaine des SIG/ SNEIG et à soumettre un plus grand nombre d'activités à la loi du marché. A l'inverse, l'attachement à l' "état providence" se traduit notamment par l'importance des SIG/SNEIG (donc de la catégorie la plus réglementée et étroitement soumise au contrôle public).

La question est une source récurrente de conflits entre les partisans du tout marché et de la libéralisation la plus large possible des activités "économiques" et ceux qui défendent l'idée qu'il existe des besoins dont la satisfaction ne peut être confiée aux seuls opérateurs privés sous peine de voir triompher la seule loi du profit.

Elle se double de celle de savoir quelles sont les règles (nationales ou communautaires) qui doivent s'appliquer à telle ou telle catégorie de services.

En particulier, dans quelles conditions les pouvoirs publics peuvent-ils aider à la fourniture de services publics qui entrent dans le champ de l'activité économique ? Cette aide est constitutive d’une aide d’État qui peut ête interdite pour incompatibilité avec le marché intérieur en vertu des règles européennes sur les aides d'état ? Ou quelles conditions doit-elle remplir pour être autorisée par les traités européens ? Dans certains cas, la réponse à ces questions n'est pas aisée, ce qui génère une insécurité juridique notamment auprès des autorités publiques locales qui financent des services publics. Et cela bien que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (notamment par l'arrêt Altmark du 24 juillet 2003) et la communication de la Commission de 2005 (paquet « Monti-Kroes ») aient apporté des clarifications (3). Mais les notions de SIEG, de SNIEG et de SSIG sont évolutives et l'intervention des pouvoirs publics également. Selon l’environnement économique, les traditions nationales ou le contexte juridique, une prestation de services peut entrer dans une catégorie ou une autre. C'est pourquoi la Commission européenne publie régulièrement des documents afin de faire le point sur les principes et les règles applicables. Les derniers en date ont été rendus publics le 20/12/2011. Ils révisent les règles de 2005.

 

Suite

 


1 - COM(2006) 177 final du 26 avril 2006

2 - COM(2007) 725 final du 20 novembre 2007

3 – Voir l'article: Financement des services d'intérêt économique général

 

Les PLus

 

Les PLus

 

 

Jurisprudence

 

  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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