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Réforme des retraites : l' " intrusion " de l'Union européenne dans un dossier national

 

Confrontée au vieillissement de sa population , l'Union Européenne réfléchit depuis déjà quelques années au problème du financement des retraites. Certes, le domaine relève de la compétence des états membres. Mais en vertu des engagements du pacte de stabilité qui donne un droit de regard communautaire sur la façon dont les états gèrent leurs budgets afin d'éviter les déficits excessifs, la question du financement des retraites a progressivement débordé le cadre national. Un récent rapport de la Commission remet la question à l'ordre du jour. Il s'agit pour le moment de faire un constat de la situation prévalant dans chaque état et de comparer les expériences sur la base de rapports de stratégie présentés par les états membres.

La réforme des retraites est à l'étude dans différents pays européens confrontés à la même quadrature du cercle :comment conserver le système actuel des retraites alors que le nombre des pensionnés ne va cesser de croitre du fait de l'arrivée à la retraite de la génération du baby boom et de l'allongement de l'espérance de vie conjuguée à la baisse de la natalité?. A l'heure actuelle il y a dans l'Union quatre personnes en âge de travailler pour une de plus de 65 ans. En 2050, ce nombre ne sera plus que de deux. Le poids des cotisations ou des impôts pourrait donc devenir insupportable et renchérir tellement le coût du travail qu'il pénaliserait l'emploi. Selon la Commission européenne, le poids des retraites dans les finances publiques, actuellement de 10 % du produit intérieur brut (PIB), devrait atteindre 13,6 % en 2040.

Depuis des mois, la Commission demande donc aux Etats de revoir leurs systèmes de pensions. A priori, elle semble sortir de son rôle en s'immisçant dans un domaine qui relève de la seule compétence des droits nationaux.

Mais la répartition des compétences Etats Union en la matière n'est pas aussi exclusive d'une intervention de l'Union qu'elle pourrait le paraître. L'explication de cette prise en main du dossier au niveau européen se trouve, essentiellement, dans le fait que le coût grandissant des retraites risque de faire exploser les déficits budgétaires nationaux et la dette des états. Or ,ces derniers sont liés, au plan européen, par le Pacte de stabilité aux termes duquel ils doivent respecter certaines règles de " saine gestion " dont le maintien d'un déficit budgétaire au-dessous de la barre fatidique des 3% du PIB, l'objectif étant d'atteindre un budget en équilibre (1).Cet engagement a été précisé et amplifié par un règlement qui prévoit un renforcement de la surveillance des positions budgétaires (2). L'existence d'un déficit excessif donne lieu à une procédure spécifique pouvant aller jusqu'à l'adoption par le Conseil de sanctions financières à l'encontre de l'état concerné (3). Ainsi que le rappelle la Commission dans la présentation de son rapport : " Les États membres sont déjà tenus de gérer correctement leurs finances publiques. Sinon, ils compromettraient la stabilité de notre monnaie commune, l'euro. Garantir la viabilité financière des régimes de pension publics est donc crucial pour la préservation de finances publiques saines dans une société vieillissante ". On trouve la même insistance du côté des états, les conclusions du Sommet du Barcelone, du 16/03/2002, mettant l'accent sur la nécessité pour le Conseil de "continuer d'examiner la viabilité à long terme des finances publiques dans le cadre de son exercice annuel de surveillance, en particulier à la lumière des défis que pose le vieillissement de la population en termes de budget. "(4)

C'est donc dans ce contexte qu'intervient le rapport de la Commission sur les retraites (5). Schématiquement, elle trace deux pistes d'action possibles. Tout d'abord, selon elle, la viabilité financière passe par une réforme des régimes . Elle cite l'exemple d'états qui ont commencé à réduire " légèrement " les futurs niveaux de prestations ou à encourager le développement des régimes de pension privés. Ensuite, la réforme financière doit s'accompagner de l' " adéquation " des pensions. Lors du Sommet de Barcelone, clos le 16 mars 2002, les Quinze ont pris des engagements prévoyant que l'âge effectif de la retraite soit retardé de cinq ans d'ici à 2010 (6). La Commission revient sur cette idée rappelant l'objectif fixé en 2000 au Sommet de Lisbonne qui est de parvenir d'ici à la fin de la décennie à un taux d'emploi de 70 %. Pour cela il faut , notamment, mettre en place des incitations aux travailleurs âgés à continuer à travailler, ce qui pourrait être atteint, non par un recul de l'âge légal de la retraite, mais par la remise en cause des retraites anticipées.

La Commission ne manque pas d'arguments pour justifier l'intervention de l'Union dans le dossier des retraites : respect des objectifs du pacte de stabilité, on l'a vu, mais aussi rappel que l'un des objectifs de l'Union est de promouvoir un niveau élevé de protection sociale. Certes le rapport n'est pas contraignant, et il doit encore faire l'objet d'une approbation conjointe par le Conseil et la Commission avant d'être soumis au Conseil Européen de Bruxelles, au printemps. Mais il n'en reste pas moins que le règlement de la question des retraites semble être devenu un sujet d'intérêt collectif européen, et non plus strictement national. D'ailleurs, la commissaire en charge de la politique sociale, Mme Anna Diamantopoulou déclarait : " sans exagération, ce rapport constitue un jalon dans la coordination politique de l'Union européenne. C'est la première fois que la Commission adopte une évaluation globale des régimes de pension dans l'ensemble de l'Union européenne, sur la base d'objectifs communs approuvés. Ce rapport aidera les États membres à faire passer les réformes nécessaires afin de garantir des pensions adéquates et viables à long terme, d'assurer que les régimes de pension modernes pourront s'adapter à la flexibilité que nous attendons des marchés du travail".

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1- Résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance (Amsterdam, 17/06/1997).

2-Règlement n° 1466/97 du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques [Journal officiel L 209 du 02/08/1997].En vertu de ce règlement, chaque état participant à la monnaie unique conformément soumet un programme de stabilité au Conseil et à la Commission. Ces programmes sont actualisés chaque année.

3-Règlement n° 1467/97 , du 7 juillet 1997,visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs [Journal officiel L 209 du 02/08/1997]. Ces procédures sont appliquées actuellement à l'Allemagne et à la France.

4- Conseil Européen de Barcelone, des 15 et 16 mars 2002, conclusions de la Présidence, point 6

5-Rapport du 17/12/2002 ,consultable à l'adresse : http:// europa.eu.int/comm/ employment_social/ news/2002/dec/joint_pensions_report_fr.html Il s'agit plus exactement, d'un projet de rapport destiné à être adopté conjointement par le Conseil et la Commission avant d'être soumis au printemps 2003 au Sommet des chefs d'état et de gouvernement de Bruxelles.

6-Conseil Européen de Barcelone, des 15 et 16 mars 2002, conclusions de la Présidence ,partie I, domaines d'action prioritaires, point 32 : " il convient de réduire les incitations individuelles à la retraite anticipée et la mise en place par les entreprises de systèmes de préretraite, et d'intensifier les efforts destinés à offrir aux travailleurs âgés davantage de possibilités de rester sur le marché du travail, par exemple par des formules souples de retraite progressive et en garantissant un véritable accès à l'éducation et à la formation tout au long de la vie. Il faudrait chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle. Les progrès à cet égard seront examinés chaque année avant le Conseil européen de printemps ".

 

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  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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