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ERASMUS, victime des restrictions budgétaires?

 

Le député Alain Lamassourre qui conduit la délégation du Parlement européen chargée de négocier le budget de l'Union européenne pour 2013 avec le Conseil a annoncé le 09/11/2012 que ces négociations sont bloquées. La nouvelle n'a rien de surprenant.

Selon Alain Lamassourre, les discussions ont achoppé sur les factures impayées de cette année (notamment au titre des fonds structurels) et l'absence de moyens pour les acquitter: "les divergences étaient trop profondes pour continuer les discussions". Le Parlement craint en effet que ces sommes soient reportées sur le budget pour 2013, compromettant ainsi les politiques communautaires alors même que les états se sont engagés pour favoriser les politiques de croissance et d'emploi. Le Parlement rappelle qu'il soutient la proposition de la Commission européenne de prévoir des crédits supplémentaires de 8,9 milliards d'euros pour rembourser aux états membres les avances qu'ils ont versées aux bénéficiaires des aides communautaires. Mais une minorité de blocage au Conseil refuse de voter ces crédits supplémentaires. Les Pays Bas et le Royaume-Uni, la Finlande et la Suède se montrent particulièrement intransigeants. Mais d'autres états comme l'Allemagne, la France, le Danemark et l'Autriche sont également réticents à injecter de l'argent frais et demandent la réaffectation de crédits non utilisés. Le problème est que, selon la Commission, ceux-ci sont déja réaffectés!

Parmi les programmes menacés par les défauts de paiement et dont les caisses sont vides, figurent Erasmus, le fonds social européen, l'aide au développement rural, le fonds de cohésion et le 7ème programme de recherche développement. Les pays principalement affectés sont l'Italie, la Grèce, l'Espagne, la Pologne, l'Allemagne, la République tchèque et la Bulgarie. Le blocage empêche aussi le remboursement de 670 millions d'euro dus à l'Italie dans le cadre de la solidarité avec les victimes du tremblement de terre en Emilie Romagne en mai.

Le Parlement européen et le Conseil ont jusqu'à mardi minuit, dernier jour de la période de conciliation, pour parvenir à un accord. Si aucun accord n'intervient, la Commission devra présenter un nouveau projet de budget.

En attendant, l'incertitude pèse sur des programmes qui ont fait leurs preuves: les gouvernants s'en tiennent à une gestion comptable de courte vue et s'opposent à toute hausse du budget communautaire, demandant même la baisse des crédits (mais, bien entendu, le maintien des dotations qui leur bénéficient directement!). Quitte à sacrifier l'avenir.

Ainsi, Erasmus, le programme d'échanges d'étudiants, à la fois très connu, et très emblématique de l'intégration européenne puisqu'il permet à des jeunes de vivre et de travailler avec des gens d'autres cultures et nationalités, et d'acquérir une formation ou une expérience transfrontalière, pourrait être menacé.

Erasmus est le volet le plus important du programme de l’UE pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (programme EFTLV), qui comprend trois autres sous-programmes: Leonardo da Vinci (enseignement et formation professionnels), Comenius (enseignement scolaire) et Grundtvig (éducation des adultes). Il permet d'attribuer des bourses à des étudiants de l’enseignement supérieur qui passent entre trois et douze mois dans un autre pays européen, pour y faire des études ou un stage dans une entreprise ou une autre organisation. La bourse mensuelle dépend du pays de destination et du type de mobilité demandé. En 2010-2011, le montant moyen était compris entre 133 € et 653 € selon les pays, le montant moyen tous pays confondus s’élevant à 250 €. Le programme promeut aussi les échanges de personnel universitaire et soutient la coopération entre établissements d’enseignement supérieur en finançant des projets et des réseaux transnationaux.

Depuis sa création en 1987, Erasmus a permis à plus de 2,5 millions d’étudiants européens de partir à l’étranger pour étudier dans un établissement d’enseignement supérieur ou pour faire un stage en entreprise. Il est en constant développement puisque, au cours de l’année universitaire 2010-2011, ce sont plus de 231 000 étudiants qui ont obtenu une bourse du programme, un nombre en augmentation de 8,5 % par rapport à l’année précédente. Selon la Commission européenne, si la tendance actuelle se confirme, l’objectif de 3 millions d’étudiants Erasmus que s’est fixé l’Union européenne sera atteint en 2012-2013. Pour l'avenir, dans le cadre de la stratégie Europe 2020 pour la croissance et l’emploi, la mobilité des jeunes en formation est un objectif clé qui devrait conduire à porter la mobilité des étudiants à 20 % au moins à la fin de la décennie (contre 10% actuellement).

Le programme est aujourd'hui à la croisée des chemins car non seulement il vient à expiration et doit être reconduit mais il connait des difficultés de financement.

La Commission européenne a présenté en novembre 2011 une proposition de nouveau programme-cadre. Appelé "Erasmus pour tous", il fusionnerait l'actuel programme avec les autres programmes et actions européens et internationaux portant sur l’enseignement, la formation, la jeunesse et les sports pour attribuer des bourses d'études et de formation (deux tiers des fonds) et financer des actions de coopération entre les institutions, les entreprises et d’autres organisations (le tiers restant). Son budget serait de 19 milliards d’euros pour la période 2014-2020, ce qui représenterait une augmentation de 70 % environ par comparaison avec les sommes allouées sur sept ans aux différents programmes. Autant dire que la négociation avec les états va être difficile.

Mais des échéances plus rapprochées menacent Erasmus.

En effet, la proposition de budget rectificatif pour 2012 adoptée par la Commission le 23/10/2012 révèle un déficit important dans le budget du programme «Éducation et formation tout au long de la vie»: il manque 90 millions d'euros pour honorer les obligations prises envers les étudiants Erasmus et 102 millions d’euros pour le soutien des chercheurs bénéficiant des «actions Marie Curie» (concrètement, l'Union européenne ne pourra pas rembourser les demandes de paiement des agences nationales chargées de distribuer les bourses Erasmus). La Commission explique que le budget voté par le Parlement et le Conseil pour 2012 était insuffisant et que, de plus, des factures impayées de 2011 se sont ajoutées aux dépenses, contribuant à creuser un peu plus le déficit. A terme (à l'horizon de second semestre de l'année universitaire 2012-2013, estime la Commission), il pourrait y avoir des problèmes importants de paiement des bourses Erasmus, au détriment des étudiants issus de milieux défavorisés pour lesquels ces bourses sont une aide précieuse.

Pour dénoncer cette menace, une lettre ouverte aux chefs d'État et de gouvernement de l'Union a été envoyée par 100 personnalités européennes du monde de l'éducation, des arts, de la littérature, de l'économie, de la philosophie et du sport. Des gens aussi différents que le cinéaste espagnol Pedro Almodovar, le lauréat du prix Nobel d'économie Christopher Pissarides, le biologiste Pierre Joliot-Curie, le philosophe Michel Serres, le président du FC Barcelone Sandro Rosell, y apportent leur soutien au programme Erasmus. Parce que "La jeunesse de l’Europe est très durement touchée par la crise économique" et que "Cela ne peut plus durer. Nous ne pouvons nous permettre une génération perdue". Or, "dans un monde en mutation accélérée, et de plus en plus mobile, interdépendant et multiculturel...une bonne éducation est fondamentale" et elle doit être "au coeur dela réponse de l’Europe à une telle situation".

«Erasmus pour tous» coûtera moins de 2% du budget total de l’Union européenne, rappellent les signataires. 2% pour investir dans l'avenir des jeunes ce qui est "le devoir d'une société civilisée", est-ce trop cher payer? Les gouvernements de l'Union tout à leurs calculs et les yeux rivés sur les échéances électorales sont-ils capables de l'entendre?

 

12/11/2012

Actualisation le 13/11

Le Président du Parlement européen a annoncé que les députés ne se rendraient pas à la "réunion de la dernière chance" pour trouver un accord sur le budget de l'Union européenne pour 2013.

L'épreuve de force entre députés et états se poursuit.

 

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