Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Des achats transfrontaliers plus sûrs

 

C’ est un fait : la libre circulation des produits et des capitaux est une réalité. Celle des hommes peine à décoller. Les études sur la mobilité montrent que le nombre d’européens profitant du grand marché pour aller étudier, travailler, résider dans un autre état membre progresse lentement. Il en est de même pour les acheteurs. Alors que l’internet  est « l’un des outils les plus riches en possibilités dont les consommateurs aient jamais disposé », constate la Commission européenne et que 150 millions de citoyens (un tiers de la population) de l’Union européenne achètent en ligne, ces transactions ne sont transfrontalières que pour 30 millions d’entre eux. La dépense annuelle moyenne de chacun d’eux est de 800 euros par an pour leurs achats transfrontaliers, soit 24 milliards d'euros au total. Conclusion de la Commission : c’est un « immense potentiel qu'acquerrait le marché intérieur si un plus grand nombre de personnes avaient suffisamment confiance pour s’aventurer au-delà de leurs frontières ».

Il existe certes une législation communautaire. Quatre directives posent un certain nombre d’exigences minimales communes à tous les pays membres sur les clauses abusives dans les contrats (1), la vente et les garanties, la vente à distance, le démarchage à domicile (4).

Mais au fil des ans, ces directives sont devenues obsolètes, explique la Commission européenne, car les législations nationales se sont multipliées afin de renforcer les droits des consommateurs au delà du socle minimal posé par les directives communautaires. Non concertées, les réformes intervenues dans les états membres se traduisent par une diversité des règles qui a de quoi dissuader le candidat à l’achat hors des frontières de son pays, car il ignore quels sont ses droits et comment les faire appliquer. L’exemple type est celui des délais de réflexion qui varient du simple au double selon les pays. De leur côté, les entreprises qui veulent vendre à des clients d’autres pays sont confrontées à des coûts de mise en conformité élevés.

C est la raison pour laquelle la Commission a présenté, le 08/10/2008, une proposition de directive relative aux droits des consommateurs qui a pour objet de refondre en un texte unique les quatre directives existantes et d’actualiser et d’harmoniser dans toute l’Union européenne  les principaux aspects réglementaires de l’achat afin d’augmenter la sécurité juridique pour les  consommateurs et pour les professionnels (5).

Le texte s’applique aux contrats de vente de biens et services d’entreprise à consommateur, qu’il s’agisse d’achats faits en magasin, à distance ou hors d’un établissement commercial.

Il impose un certain nombre d’obligations :

  • Informations précontractuelles : pour tous les contrats de consommation, le consommateur doit recevoir du professionnel un  ensemble d'informations destinées à lui permettre de choisir en connaissance de cause : caractéristiques principales du produit, adresse géographique et identité du professionnel, prix toutes taxes comprises, frais supplémentaires de transport, de livraison ou d’affranchissement.
  • Protection des consommateurs contre les retards et les défauts de livraison est améliorée : ces questions ne sont pas encore réglementés à l’échelle communautaire. Le texte proposé prévoit que le professionnel doit livrer le bien au consommateur dans un délai maximum de trente jours civils à compter de la date de conclusion du contrat. Il supporte le risque et le coût de l'endommagement ou de la perte du bien jusqu’au moment où le consommateur en prend possession. En cas de retard ou défaut de livraison, le consommateur pourra prétendre à un remboursement dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les sept jours suivant la date de livraison effective ou prévue (NB : il s’agit d’un nouveau droit non prévu aujourd’hui dans de nombreux états membres).
  • Délai de réflexion applicable à la vente à distance : pour toute l’Union européenne, le texte prévoit un délai de 14 jours civils, et un formulaire type de rétractation facile d'emploi (articles 12 et 14 de la proposition). Si le consommateur commande plus d'un bien auprès du même professionnel, il doit disposer d'un droit de rétractation pour chacun de ces biens. Lorsqu'un bien est livré en plusieurs lots ou pièces, le délai de rétractation doit commencer à courir lorsque le consommateur entre en  possession du dernier lot ou de la dernière pièce. Si le professionnel a omis d'informer le consommateur de son droit de rétractation avant la conclusion d'un contrat à distance ou hors établissement, le délai de rétractation doit être prolongé, mais dans la limite d’un délai de prescription de trois mois, à condition que le professionnel ait complètement exécuté ses obligations contractuelles (c’est à dire  livré les biens ou entièrement  fourni les services commandés). Le droit de rétractation est soumis à des restrictions de bon sens. Il  arrive que certains consommateurs utilisent leur droit de rétractation après avoir utilisé les biens dans une mesure qui excède ce qui nécessaire pour s'assurer de la nature et du fonctionnement du bien (ainsi, par exemple, un vêtement doit être essayé et non porté). Dans ce cas, le consommateur devra  répondre de la dépréciation des biens. L’article 19 prévoit également des exceptions au droit de rétractation pour tenir compte des cas où il n'a pas lieu d'être compte tenu de la nature du produit ou encore des contrats de service à distance dont l'exécution commence pendant la période de rétractation (fichiers de données téléchargés par le consommateur au cours de cette période). Dans cette dernière hypothèse, le consommateur perd son droit de rétractation si l'exécution du contrat commence avec son accord exprès préalable.
  • Réparations, remplacement, garanties : application d’une seule et même série de recours à la disposition de tous les consommateurs qui ont fait l’acquisition d’un produit défectueux : concrètement, dans un premier temps, la réparation ou le remplacement du bien et, dans un second temps, la réduction du prix ou le remboursement du prix d’achat. Pour que la garantie en cas de défaut de conformité du produit joue, le consommateur sera obligé d’informer le professionnel du défaut de conformité dans un délai de deux mois à compter de la date de constatation (article 28).
  • Clauses contractuelles abusives : une « liste noire » de clauses contractuelles abusives interdites en toutes circonstances sur l'ensemble du territoire de l’Union est établie. Est également établie une « liste grise » communautaire de clauses présumées abusives tant que le professionnel ne démontre pas le contraire. Les contrats conclus avec des consommateurs doivent être rédigés dans un langage clair et compréhensible et être lisibles. Le recours à des systèmes obligeant le consommateur à une renonciation expresse (opt-out) grâce à des cases pré-cochées en ligne, doit être interdit pour en déduire qu’il a donné son accord.

La nouvelle proposition permet de traiter des formes d’achat plus  « risquées » pour le consommateur. C’est le cas des enchères en ligne. C’est le cas de la vente forcée (contrats négociés en dehors des établissements commerciaux) qui  est interdite par la directive relative aux pratiques commerciales déloyales (6). La proposition élargit la définition de la vente forcée afin de permettre d’en étendre les obligations à des cas jusque là non couverts, faisant suite ainsi aux plaintes de consommateurs confrontés à des cas de  vente agressive où la protection accordée était insuffisante. Elle prévoit aussi un recours contractuel dispensant le consommateur de tout paiement en cas de fourniture non demandée.

 22/10/2008

 


1 - Directive 93/13 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs

2 - Directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation,

3 - Directive 97/7/CE concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance), le démarchage à domicile

4 - Directive 85/577/CEE concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux

5 - COM(2008) 614 final

6 - Directive 2005/29 du 11 mai 2005

 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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