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Le "casse-tête " de la composition du Parlement européen

 

L e Conseil européen réuni à Bruxelles les 12 et 13 juillet 1976, a fixé le nombre de représentants des états membres au Parlement européen dans la perspective de la première élection au suffrage universel qui eut lieu en 1979. Chacun des « grands » pays (France, République Fédérale d'Allemagne, Italie et Royaume-Uni) se voyait attribuer  81 sièges. Pour les pays moins peuplés, le nombre de députés fut fixé proportionnellement à la population mais en leur attribuant un nombre de sièges supérieur à ce qu‘il aurait été si avait été prise en compte leur part dans la population de la Communauté. Après l'adhésion de la Grèce en 1981, et de l'Espagne et du Portugal en 1986, le nombre de députés attribué à ces pays fut établi sur la base des mêmes principes. La composition du Parlement fut à nouveau revue après l'unification de l'Allemagne tout comme après les élargissements successifs de l'Union européenne.

Le traité d'Amsterdam consacrait la formule qu'avait proposée le Parlement européen pour la répartition des sièges entre les pays membres : 6 sièges pour chaque état membre, indépendamment de sa population, et des sièges additionnels en fonction du peuplement (1).  En outre, le traité d'Amsterdam limitait à 700 le nombre total de députés afin de garantir l'efficacité du travail parlementaire. Le traité de Nice (tel que révisé par les traités d'adhésion postérieurs) prévoit, pour sa part, un nombre de 736 eurodéputés (de manière transitoire, après l'adhésion la Bulgarie et de la Roumanie et jusqu'à 2009, le Parlement européen compte 785 membres). Depuis l’élargissement de 2004, on applique une correction pour que le nombre total de députés ne varie pas. De ce fait,  plusieurs états ont vu leur nombre de députés diminuer (Espagne : -10 ; France, Italie et Royaume-Uni : -9 ; Pays-Bas :  - 4 ; Autriche et  Suède : -3 ; Danemark, Finlande et Irlande : -2 ; Belgique, Grèce et Portugal : -1).

Le projet de traité modificatif  ne définit pas non plus de manière précise le nombre de députés européens par pays. Mais il fixe une limite à ne pas dépasser, de telle sorte que le nombre total  d'eurodéputés ne pourra être supérieur à 750. Par pays, le nombre de députés sera compris entre un maximum de 96 et un minimum de 6.

La redistribution détaillée des sièges doit être réglée par une décision du Conseil Européen, adoptée à l'unanimité, sur proposition du Parlement Européen et avec le consentement de ce dernier. Le protocole n° 10 du projet de traité modificatif dispose : « En temps utile avant les élections parlementaires européennes de 2009, le Conseil européen adopte…une décision fixant la composition du Parlement européen ».  Ainsi, la question de la redistribution des sièges parlementaires devra être négociée en même temps que le traité modificatif, ce qui pourrait contribuer à compliquer les négociations.               

En session plénière le 10 octobre, le Parlement européen a débattu d'un projet de rapport  et adopté le jour suivant une résolution qui propose une nouvelle répartition des sièges,  par 378 votes pour, 154 contre et 109 abstentions (2). La proposition sera analysée par le Conseil pendant le Sommet de Lisbonne des18 et 19 octobre, avant son inclusion dans le futur traité modificatif.

À la question posée : « Comment garantir une représentation juste des 492 millions de citoyens européens ? » , l'article I - 20 §2 du traité établissant une Constitution pour l'Europe donnait une réponse en proposant le principe de "proportionnalité dégressive" comme critère de répartition des sièges. Le principe a survécu à l’abandon du traité constitutionnel. Il signifie les états les plus peuplés acceptent d'avoir moins de sièges que ceux auxquels ils pourraient prétendre s'ils étaient calculés de manière proportionnelle à leur nombre d'habitants, afin de permettre une représentation plus juste des pays plus petits (3).

Donc, l'élection d'un député dans un état membre plus peuplé nécessitera un nombre plus important de voix que dans des états membres moins peuplés. Mais aucun état moins peuplé n'aura plus de sièges qu'un état plus peuplé. Concrètement, selon la proposition du Parlement européen, le seul pays qui « perd » des sièges est l'Allemagne (le nombre de députés passe de 99 conformément au  Traité de Nice après les élections de  2009,  à 96, avec un rapport d'un député pour 858.729 habitants). L'Espagne en revanche est le pays pour lequel le nombre de députés progresse le plus par rapport à la situation issue du traité de Nice : de 50 le nombre de sièges passe à 54 avec un ratio population/député de 810 333). La Pologne obtient 51 sièges  au lieu de 50 (ratio de  748 176). L'Italie, la France et le Royaume-Uni, qui jusqu'à présent avaient eu toujours le même nombre de députés, obtiennent un nombre de sièges différent (la France gagne deux députés, passant à 74 ( ratio : 849.811), le Royaume-Uni gagne 1 député en passant à 73 député (ratio : 827.699) et l'Italie garde le même nombre de représentants soit 72 députés (ratio : 816 000).

Le rapporteur, l'eurodéputé Alain Lamassoure, s’est montré très optimiste sur l’acceptation de ces propositions par les Etats lors du Conseil européen de Lisbonne. Peut-être trop optimiste ? Car il existe malgré tout des divergences.

Ainsi, le Parlement a rejeté des amendements qui visaient à augmentere encore le nombre de députés de certains pays (la Pologne, le Royaume-Uni et l'Espagne). De même ont été rejetées les demandes italiennes de distribuer les sièges en fonction du nombre de citoyens de chaque pays, et non de leur population. Pour apaiser les italiens, la Résolution votée laisse ouverte la possibilité de remplacer le critère de population par celui des citoyens pour les élections de 2014. Mais le Gouvernement  Prodi continue à exiger le même nombre de sièges que la France et le Royaume-Uni. S’il maintenait sa demande lors des discussions qui s’ouvrent ce soir à Lisbonne, d’autres pays pourraient être tentés de surenchérir mettant fin au délicat compromis réalisé et transformant en casse tête la réforme de la composition du Parlement européen. 

Une explication de cette difficulté réside sans doute dans la spécificité du système politico- communautaire qui sans être déjà un état fédéral, n'est pas non plus une organisation internationale "classique" basée sur le modèle intergouvernemental. Cela apparaît notamment dans la représentation des états au sein des institutions européennes. Ainsi par exemple, bien que le Conseil soit l'institution représentant les intérêts des états, ceux-ci n'ont pas le même poids dans le processus de décision (à l ‘exception, de plus en plus rare, du vote à l'unanimité) et la population n’est que l’un des critères utilisés pour établir la pondération des votes nécessaires au calcul de la majorité qualifiée. De la même manière, bien que le Parlement européen représente les citoyens dans le triptyque institutionnel communautaire, nous avons déjà vu que sa composition a été définie sur une base qui n'a jamais été strictement proportionnelle au nombre d'habitants des états membres. Par conséquent, les eurodéputés ne représentent pas le même nombre d'habitants et les voix des citoyens des différents pays n’ont pas le même poids. Mais un équilibre doit être pourtant atteint afin d’assurer  la représentation nationale qui suppose que chaque état membre dispose d'un nombre minimal de sièges pour envoyer au Parlement un nombre de députés assez significatif pour représenter les principaux courants politiques nationaux.

D' un point de vue démocratique, une solution satisfaisante pourrait être de recourir à la proportionnalité intégrale, c'est-à-dire d’appliquer dans tous les état membres la même proportion entre les habitants d'un pays et les sièges qui lui sont impartis. Tous les députés représenteraient  alors, plus ou moins, le même nombre d'habitants. Comme l'explique le rapport de la Commission affaires constitutionnelles, en 2009 par exemple, en supposant que la population des 27 États membres soit maintenue à environ  492 millions d'habitants, dans un Parlement européen composé de  750 députés, chaque député représenterait de l’ordre de  657 000 habitants. Dans ce système, le nombre de députés assigné à chaque pays est alors facile à calculer. Mais, nous l’avons vu,  l'option retenue n'a pas été celle-ci mais celle de la proportionnalité dégressive.

Dans leur Résolution, les eurodéputés ont voulu laisser la porte ouverte à la perspective de réformes à court ou moyen terme. Dans la perspective de nouveaux élargissements ou  de changements démographiques, ils ont prévu la possibilité de réviser avant 2014 la formule de distribution des sièges parlementaires entre les pays. En outre, précise la Résolution, sera également étudiée « la possibilité d'élire une partie des députés européens sur des listes transnationales » ce qui « contribuerait à donner une vraie dimension européenne au débat électoral, notamment en confiant un rôle central aux partis politiques européens ».

Les eurodéputés pressent les états  de trouver  "sans retard" un accord qui permette de réformer la composition du Parlement Européen « conformément à la lettre et l'esprit du nouveau Traité » et de formaliser cet accord immédiatement après l'entrée en vigueur du nouveau Traité en vue des élections de  2009. Dans le cas contraire, les dispositions du  Traité de Nice continueraient de s’appliquer.

  16/10/2007

 


 

1- Un siège de plus par demi million d'habitants pour une population comprise entre  1 million et 25 millions d'habitants, un autre siège de plus par million d'habitants pour une population comprise entre 25 et 60 millions d'habitants et enfin, un siège supplémentaire  pour deux millions d'habitants pour une population supérieure à  60 millions d'habitants.

2- Résolution du Parlement Européen, du 11 octobre 2007, sur la composition du Parlement Européen (2007/2169(INI)).

3- Commission des affaires constitutionnelles du Parlement Européen, Rapporteurs : Alain Lamassoure et Adrian Severin, « Rapport sur la composition du Parlement Européen »,  A6-0351/2007, du 03/10/2007

 

 

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