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La France soupçonnée de protectionnisme par la Commission européenne

 

Vent mauvais pour la France qui se passerait bien sans doute d'alimenter ainsi l’actualité européenne.

Coup sur coup, plusieurs procédures pour violation du droit communautaire (et notamment du droit communautaire de la concurrence) ont été annoncées par la Commission européenne le 12 octobre. Cela dit, il faut préciser que la France n’est pas la seule à se faire rappeler à l’ordre par la Commission qui a lancé ce jour-là si l’on en croit le décompte fait par la Tribune (1) quelques 2000 procédures d’infraction contre les 25 états membres.

Au nombre des dossiers litigieux français, il y en a quelques uns qui promettent des discussions animées.

En vedette, La Poste, qui n’en finit pas de susciter l’intérêt appuyé des gendarmes de la concurrence. Après le livret A, après la garantie illimitée, les investigations portent cette fois sur le projet de réforme du financement des retraites des fonctionnaires. Actuellement, les retraites des fonctionnaires de La Poste (61% des personnels) sont financées par l’établissement et non pas par une cotisation libératoire (comme c’est le cas des entreprises dans le droit commun). Pour alléger la charge financière de La Poste et lui permettre ainsi d’affronter dans de meilleures conditions l’ouverture à la concurrence, qui devrait être parachevée en 2009, la réforme prévoit qu’à partir de 2007, l’Etat reprendra à son compte ces charges sociales en échange d’une compensation versée par La Poste. Mais la Commission veut s’assurer que cette compensation est suffisante, faute de quoi il s’agirait d’une aide d’Etat déguisée qui fausserait la concurrence. De son côté le Gouvernement français assure mordicus qu’il n’y a pas d’aide d’Etat puisque la réforme ne fait « que compenser le désavantage structurel imposé à La Poste par la législation actuelle et assure une concurrence équitable avec les autres opérateurs sur un marché en voie de libéralisation ».

Autre dossier : les petites misères faites par l’Etat français aux sociétés de paris sportifs à distance qui ont leur licence et sont établies dans d'autres états de l’Union européenne, alors que l’article 49 du traité sur la Communauté européenne reconnaît la liberté de prestation de services dans l’Union sans discrimination (2). La législation française, censément destinée à protéger les consommateurs contre la dépendance au jeu, objectif vertueux s’il en est,  n’est-elle pas en réalité motivée par des considérations moins nobles, celles de réserver un marché fructueux à des sociétés du cru contrôlées par l’Etat ? Et la Commission de remarquer que «le marché français des paris sportifs continue de s'étendre et offre davantage de possibilités et d'occasions de parier aux consommateurs » ce qui est tout de même une curieuse manière de protéger les consommateurs contre la dépendance (à moins de vouloir tester leur capacité à résister à la tentation ?).

Un troisième dossier important de cette "funeste journée" du 12 concerne une vieille connaissance : il s’agit du décret 2005-1739 du 30 décembre 2005, qui impose une autorisation préalable du ministre des finances pour les investissements étrangers dans certains secteurs d’activité susceptibles d’intéresser l’ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale et donc jugés stratégiques (3). Il a été  aussi appelé « décret anti OPA »  car il a été pris après qu’une rumeur d’OPA sur Danone ait suscité chez les amateurs de yaourts une émotion légitime, mais assez fugace il faut le dire, une actualité brûlante en remplaçant une autre en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire (4). Le Gouvernement, lui, n’a pas oublié sa promesse de mettre les fleurons français d’intérêt national  à l’abri de la convoitise des tiers. D’où le décret du 30 décembre 2005. Hélas ! Malgré diverses modifications, celui-ci n’a toujours pas l’heur de plaire à la sourcilleuse Commission qui subodore un protectionnisme peu compatible avec l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne sur la libre circulation des capitaux dans l’Europe communautaire (il est vrai qu’à côté d’activités liées à la sécurité nationale, le décret inclut également…les jeux d’argent, ce qui donne à la liste un petit côté inventaire à la Prévert).

Et encore ne s’agit-il là que de trois dossiers, qui constituent la face émergée de l’iceberg des contentieux entre la France et la Commission européenne. Deux d’entre eux (la Poste et les paris en ligne) n’en sont qu’à la première phase de la procédure d'infraction, procédure destinée à établir si un état ne respecte par le droit communautaire et le faire sanctionner. Mais dans le cas du décret anti OPA, la deuxième étape, celle de l’avis motivé, est franchie. La France a deux mois pour se conformer à la demande de la Commission ou la persuader qu’elle est bien en règle. Faute de quoi, la Cour de Justice des Communautés pourra être saisie.

19/10/2006

 


 

1 - "La Commission européenne s'en prend au protectionnisme français", La Tribune, édition électronique du 12/10/2006

2 - Voir l'article sur ce site: Libre prestation de services dans l'Union européenne pour les paris en ligne

3 - Décret n° 2005-1739 du 30/12/2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier (Journal Officiel du 31/12/2005)

4 - Sur ce site, la brève d'information de septembre 2005,  "OPA sous surveillance"

 

 

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