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Le budget pluriannuel de l'union européenne sous les fourches caudines des états

 

Comme on pouvait s'y attendre, le cadre financier qui fixe les limites dans lesquelles devront s'inscrire les budgets annuels de l'Union européenne durant la période 2014-2020 est sous le signe de l'austérité et des économies. C'est ce qui résulte des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 (1).

Le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne, que l'on appelle aussi "perspectives financières" fixe les plafonds pour chaque catégorie de dépenses afin que celles-ci n'excèdent pas les recettes, car la règle inscrite dans les traités est que le budget doit être financé intégralement par des ressources propres (2). Le CFP limite aussi les dépenses totales à un pourcentage du revenu national brut de l'Union européenne (RNB), sachant qu'un seuil maximum qui ne peut être dépassé (et n'a d'ailleurs jamais été atteint) est fixé à 1,23 % du RNB de l'Union. Le cadre est adopté par une décision à l'unanimité du Conseil des ministres, après avoir reçu l'approbation du Parlement européen (article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

Il doit refléter les priorités d'action de l'UE, telles qu'elles sont établies dans la stratégie Europe 2020 adoptée par les états lors que Conseil européen de mars 2010. Cinq objectifs ambitieux ont été assignés à l'Union européenne: porter le taux d'emploi à 75 % pour les femmes et les hommes d'ici 2020, atteindre un niveau cumulé des investissements publics et privés dans la recherche et le développement de 3 % du PIB; réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990; renforcer les niveaux d'éducation et la promotion de l'inclusion sociale (pas de quantification des objectifs). Comme le répète le Parlement européen, ces objectifs ne pourront pas être atteints seulement par la coordination et la législation: il faudra aussi augmenter les dépenses opérationnelles de l'Union européenne. C'est pourquoi il s'est opposé à la proposition présentée à l'automne dernier par le Président du Conseil Herman Van Rompuy qui se traduisait par une réduction de plus de 70 milliards d'euros par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne et a prévenu qu'il ne donnerait pas son approbation à des coupes qui compromettraient les priorités de la stratégie Europe 2020. Mais le Conseil défend une position différente qui tient en peu de mots: restrictions budgétaires, austérité pour tous et donc pour le budget européen également. Et peu importent les engagements pris dans la stratégie Europe 2020. Entre les états qui, à l'instar du Royaume-Uni (assuré du soutien bienveillant de l'Allemagne, des pays du Nord et des Pays-Bas) demandaient des coupes importantes dans les dépenses et ceux qui voulaient un budget européen plus ample pour favoriser la croissance comme l'Italie et la France, il a fallu trouver un compromis.

Par rapport au CFP 2007-2013, la baisse est de l'ordre de 3%. Le montant des crédits d'engagement (dépenses maximales autorisées) est de 960 milliards d'euros (959 988 millions) soit 1% du RNB (1,048 % pour la période précédente), et celui des crédits de paiement (dépenses réelles) est de 908,4 milliards d'euros soit 0,95% du RNB (1% pour le CFP 2007-2013).

Les crédits se répartissent ainsi:

- Croissance durable: Compétitivité pour la croissance et l’emploi; Cohésion économique, sociale et territoriale: 450,7 milliards contre 438,6 dans le CFP 2007-2013 (3)

- Croissance durable: ressources naturelles : 373,2 milliards contre 412,6 pour la période 2007-2013, dont paiements agricoles directs : 277,8 contre 330

- Sécurité et citoyenneté : 15,6 milliards contre 12,12

- L’Europe dans le monde : 58,7 milliards contre 55,5

- Administration : 61,6 milliards contre 55,5

- Compensations (pour adhésion de la Croatie): 0,027 milliards.

On mesure donc l'ampleur des coupes réalisées (on est loin du plafond de 1,23% du RNB de l'UE !). Malgré cela, le ton des conclusions publiées par le Conseil européen se veut positif et optimiste (pour cacher la misère?): "Dans une perspective d'avenir, le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) devra faire en sorte que le budget de l'Union europénne soit conçu pour faire sortir l'Europe de la crise. Le budget de l'Union européenne doit être un catalyseur de croissance et d'emplois pour toute l'Europe, notamment en stimulant les investissements productifs et les investissements dans le capital humain...Il convient d'examiner soigneusement la valeur de chaque euro dépensé afin d'accroître la valeur ajoutée européenne et la qualité des dépenses dans le cadre du futur CFP, notamment par une mutualisation des ressources, un effet catalyseur, des économies d'échelle, des effets d'entraînement et des répercussions transfrontières positives, contribuant ainsi à réaliser plus efficacement ou plus rapidement les objectifs communs des politiques et réduire les dépenses nationales". Comment parvenir à ce résultat avec des dépenses en baisse? Faut-il en conclure que par le passé l'UE gaspillait les euros? Ce plaidoyer pour faire mieux avec moins ne dissimule pas le souci premier qui a motivé les états : "...alors que la discipline budgétaire est renforcée en Europe, il est essentiel que le futur CFP reflète les efforts d'assainissement déployés par les états membres pour ramener le déficit et la dette sur une trajectoire plus soutenable". Bref, le programme est simple (simpliste diront d'aucuns) : austérité pour tout le monde, et pas de raison que l'Union européenne ne se serre pas la ceinture elle aussi. Le souci des pays contributeurs nets de limiter leur contribution au budget européen a pesé de manière décisive sur les décisions prises (cette contribution pourrait pourtant être allégée d'une autre manière autrement plus efficace, en donnant de nouvelles ressources propres à l'Union européenne, grâce au produit de la future taxe sur les transactions financières, par exemple).

Mais, au dela des plafonds fixés, la décision adoptée par le Conseil prévoit une marge pour imprévus qui peut atteindre 0,03 % du RNB de l'Union pour "faire face en dernier recours à des circonstances imprévues". La décision de recourir à cette marge devra être prise conjointement par les deux branches de l'autorité budgétaire (Conseil et Parlement européen), le Conseil statuant à la majorité qualifiée.

Par rubrique, certains postes augmentent alors que d'autres au contraire sont "mis au régime".

Les crédits pour la compétitivité pour la croissance et l’emploi augmentent.

Ceux pour la cohésion économique, sociale et territoriale baissent. Les coupes les plus importantes affectent les crédits pour les infrastructures dont les attributions doivent être plus ciblées. 29 299 millions d'euros sont affectés à l'interconnexion dans l'UE mais 10 000 millions proviennent de tranferts internes, en l'occurrence en provenance du budget du Fonds de cohésion. En outre, une part conséquente (un tiers de l'enveloppe du fonds de cohésion) est réservée aux états membres qui ont adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004 ou après, pour tenir compte de leurs besoins importants en matière d'infrastructures dans le domaine des transports et de l'environnement. De plus, au titre de la solidarité avec les pays de la zone euro les plus en difficulté (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie), des dotations supplémentaires sont prévues en leur faveur au titre des fonds structurels. Toujours pour ces pays, il est prévu que les crédits qui leur sont alloués au titre de l'objectif "Investissement pour la croissance et l'emploi" de la politique de coésion soient revus en 2016 pour être rajustés si nécessaire.

Les crédits de la Politique Agricole chère à la France sont certes affectés (les paiements directs passeront de 41,6 milliards d'euros en 2014 à 37,6 en 2020), mais la baisse est limitée par rapport à ce qui était prévu. Comme il est écrit dans la France agricole "la PAC limite les dégâts" (4).

Certaines catégories de populations sont favorisées: par exemple, 6 milliards d'euros sont affectés au financement des aides permettant l'accès à l'emploi des jeunes. Ils permettront en particulier la création de la garantie pour la jeunesse (5).

D'autres catégories sont moins bien loties: les crédits de l'aide aux plus démunis sont amputés de près de 30% et passent à 2 500 millions d'euros pour la période 2014-2020 (à titre de comparaison ils étaient de 500 millions d'euros annuels depuis 2009) (6). En revanche, la "bonne nouvelle" est que leur financement reposera sur une base juridique plus solide (le fonds social européen) ce qui leur permettra de ne plus être contestés par certains états comme ils l'avaient été au motif que l'Union européenne n'avait pas le droit d'agir pour aider les pauvres (7).

Les fonctionnaires européens vont eux aussi devoir faire les frais de cette volonté de réduction des dépenses: gel des salaires et baisse des effectifs de 5% sont à l'ordre du jour.

En revanche, les rabais dont bénéficient le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, sur leur contribution respective au budget communautaire sont préservés.

Il reste à savoir comment le Parlement européen va accueillir cet accord qui implique des réductions de dépenses encore plus importantes que celles qu'il avait contestées en novembre dernier. Pour obtenir son approbation, il est probable que les états devront mettre la main au portefeuille et concéder quelques milliards de plus, si l'on se réfère aux négociations passées. Mais cela ne suffira pas sans doute. Car, selon les présidents des quatre principaux groupes du Parlement européen, le budget adopté par les états est un budget qui conduit à un déficit structurel et qui ijnstalle l'austérité. Or, ont-ils déclaré, le Parlement ne pourra pas accepter un budget d'austérité pour sept ans. Il demandera donc que les états s'engagent à le réexaminer dans deux ou trois ans. On peut aussi penser que le Parlement mettra sur la balance la réforme du financement du budget européen et des ressources propres, car il a évoqué à plusieurs reprises son intention de faire d'un engagement des états sur cette réforme un élément de la négociation budgétaire.

08/02/2013

 


1 - Conseil européen, 7 et 8 février 2013, Conclusions, Cadre Financier Pluriannuel

2 - Sur la problématique des ressources de l'Union: Les défis du budget européen, 2

3 - Chiffres 2011 pour le CFP 2014 - 2020

Le cadre financier 2007-2013 ajusté en prix courants (à jour le 10 mai 2012)

4 - "Budget global en baisse, la Pac limite les dégâts mais avec des crédits en diminution", 8 février 2013

5 - Initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes

6 - De la nourriture gratuite pour les plus démunis : Plans annuels

7 - L'Union européenne et les pauvres, un roman d'aujourd'hui

Egalement:

Aide aux plus pauvres, la Commission européenne se rebiffe

Aide alimentaire aux plus démunis, épilogue provisoire

 

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  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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