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Comme un pavé dans la marre

 

Mais quelle a mouche a piqué le d’ordinaire si prudent M.Barroso? Est-ce la crise de la zone euro et les nécessaires réformes qu’elle appelle qui ont convaincu ce diplomate précautionneux de l’urgence de passer à la vitesse supérieure quitte à foncer dans le mur des susceptibilités nationales ?

Le 12/05/2010, la Commission européenne a présenté une communication qui propose de renforcer la coordination des politiques économiques nationales (1). Les événements des dernières semaines ont montré l’interdépendance des économies des pays de la zone euro, la crise de la dette grecque menaçant de se propager à d’autres pays de la zone. Les choix de politiques économiques, et leur traduction budgétaire, restent une compétence étatique, alors qu’ils peuvent être lourds de conséquences pour les économies des autres pays. Certes, il existe des règles communes imposant une discipline budgétaire (le fameux Pacte de stabilité et les « critères de Maastricht » visant à contenir les déficits publics et l’endettement) et des sanctions sont prévues pour qui ne les respecte pas, sauf que…le Pacte de stabilité a été maintes fois violé sans que les sanctions ne soient appliquées, les pays se montrant indulgents pour sur les incartades de leurs partenaires (car lequel n’avait rien à se reprocher ?) jusqu’au dérapage de trop, le dérapage incontrôlé et devenu incontrôlable de la Grèce...

La Commission européenne propose donc, en premier lieu, de faire pleinement application des instruments existant dans le traité, au besoin en les complétant. La dimension préventive de la surveillance budgétaire prévue par le pacte doit également être renforcée, en particulier en période de croissance. Une plus grande importance doit être donnée au critère de l’endettement public, pour garantir durablement des finances publiques saines. Quant au système de sanctions prévu dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, il doit être amélioré pour en renforcer l’efficacité  et accélérer son application en cas de non respect des règles par un pays. Les versements des fonds européens seraient ainsi conditionnés au respect de la discipline budgétaire. La Commission propose aussi que les états laxistes soient obligés de déposer des fonds sur des comptes rémunérés.

La communication de la Commission prévoit également un cadre de surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques, en se fondant sur l’article 136 du Traité pour donner un cadre institutionnel aux discussions entre états dans le cadre de l’Eurogroupe qui ont lieu actuellement. Le mécanisme de gestion des crises qui vient d’être mis en place dans l’urgence serait pérennisé. Les règles de fonctionnement pourraient être similaires à celles qui sont prévues pour aider des états en cas de déséquilibre important de leur balance de paiements, qui permettent notamment à la Commission de contracter, au nom de la Communauté, en application d'une décision arrêtée par le Conseil, des emprunts sur les marchés des capitaux ou auprès d'institutions financières (2).

Mais la proposition la plus remarquée est celle qui prévoit que la Commission européenne pourrait examiner les projets de budgets nationaux avant leur transmission aux parlements. Ils  seraient ensuite examinés par les ministres des Finances européens qui  donneraient leur avis. Actuellement, les budgets sont votés par les Parlements et ensuite discutés par les ministres de la zone euro. S’ils sont en déséquilibre, il y a (ou il peut y avoir) des rappels à l’ordre, mais, comme on l’a vu plus haut, cela reste sans suite, pratiquement. Le contrôle a priori des budgets nationaux permettrait à la Commission et aux états de contrôler plus efficacement les dépenses publiques de leurs partenaires. C’est logique, car mieux vaut prévenir que guérir et du moment que l’on s’est doté de règles communes, il faut faire en sorte qu’elles soient respectées. Mais c’est une pierre dans le jardin clos des souverainetés nationales, dans la mesure où, après la création d’un mécanisme européen de stabilisation, c’est un gouvernement économique européen qui se met en place, si la proposition est adoptée.  M.Barroso a  précisé que les parlements nationaux restent seuls décisionnaires. Dans la conférence de presse donnée à l’occasion de la présentation de la proposition, M.Barroso a souligné en effet que "les pouvoirs des parlements restent intouchables" et a précisé : « La décision  sera toujours du ressort des parlements nationaux, mais nous trouvons important que lorsqu'un parlement prend une décision sur son  budget, il connaisse le cadre budgétaire de son pays dans une dimension  européenne". Cela va mieux en le disant, bien que cela aille sans dire, puisque, en vertu des traités actuels et des constitutions nationales, ce sont les parlements qui votent les budgets nationaux. L’intervention ex ante de la Commission et du Conseil ne pourrait pas prendre la forme d’un pouvoir de modification du projet de budget soumis. En revanche, elle permettrait aux parlements de connaître leur avis quant à la conformité du budget par rapport aux règles du Pacte de stabilité. A eux ensuite de prendre leurs responsabilités s’ils acceptent de voter un budget dont ils savent pertinemment qu’il viole les engagements du pays et l’exposera à des sanctions.

Avant de crier au loup, il faut donc savoir comment s’exercerait exactement ce pouvoir de « contrôle » de la Commission européenne et du Conseil. 

14/05/2010

 


1 - Communication from tue European Comission to the European parliament, the European Council, the Council, the European Central bank, the Economic and Social Committee and the Committee of the regions: "Reinforcing economic policy coordination"

2 - Le règlement no 332/2002 du 18 février 2002 établissant un mécanisme de soutien financier à moyen terme des balances des paiements des États membres

 

 

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