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AIRBNB n'est pas une agence immobilière, selon l'avocat général auprès de la Cour de Justice de l'Union européenne et échappe donc à la réglementation applicable à ce secteur en France


Voila une affaire qui ne va pas manquer de faire couler beaucoup d'encre en raison des conséquences économiques qu'elle implique : celle qui oppose l'Association française pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP) à la plateforme AIRBNB, dont la Cour de Justice de l'Union européenne a été saisie par le Tribunal de grande instance de Paris.

AIRBNB est une société de droit irlandais établie à Dublin qui met à la disposition de ses utilisateurs une plateforme en ligne pour mettre en contact des hôtes (professionnels et particuliers) qui ont des lieux d’hébergement à louer et des personnes qui recherchent ce type d’hébergement. Elle est accusée de concurrence déloyale par les professionnels de l'immobilier et de l'hébergement, car elle échapperait aux contraintes et aux règles qui leur sont applicables, alors qu'elle ferait le même métier.

A l'origine du litige, il y a une une plainte contre X avec constitution de partie civile déposée, entre autres, par l'AHTOP, à la suite de laquelle le parquet de Paris a délivré, le 16 mars 2017, un réquisitoire introductif pour des infractions à la loi réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce (« loi Hoguet ») qui concerne notamment l’activité d’agent immobilier. Pour sa part, AIRBNB conteste exercer une activité d’agent immobilier et fait valoir que les règles restrictives prévues par la  loi Hoguet ne lui sont pas opposables car elles sont incompatibles avec la directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information dont elle dit relever.

Le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris chargé de l'examen de la plainte a décidé le, 6 juin 2018, de surseoir à statuer pour poser à la Cour de Justice de l'Union européenne des questions sur le sens à donner aux règles de la directive 2000/31 sur la liberté de prestation de services (Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur :«directive sur le commerce électronique»)  :

  • Les prestations fournies en France par la société AIRBNB Ireland par le canal d’une plateforme électronique exploitée depuis l’Irlande bénéficient-elles de la liberté de prestation de services prévue par la directive ?
  • Les règles restrictives relatives à l’exercice de la profession d’agent immobilier en France, édictées par la loi Hoguet, sont-elles opposables à AIRBNB ?

La Cour ne s'est pas encore prononcée mais l'avocat général nommé pour l'examen préalable de l'affaire a rendu son avis le 30 avril 2019 (conclusions de l'avocat général M.Maciej Szpunar, affaire C-390/18, en présence de YA, AIRBNB Ireland UC, Hotelière Turenne SAS, Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP), Valhotel). L'avis d'un avocat général étant souvent suivi par la Cour, les conclusions donnent une indication de ce que sera sa décision.


    AIRBNB est un service de la société de l'information et bénéficie de la liberté de prestation des services


Tout d'abord, l'avocat général rappelle comment fonctionne la plateforme d'AIRBNB. Celle-ci centralise les annonces avec possibilité de faire une recherche sur la base de différents critères indépendamment du lieu où se trouve le locataire potentiel, l'affichage des résultats sous forme d'une liste d'hébergements avec photos et prix, grâce à laquelle l'utilisateur peut effectuer un choix et accéder à des informations plus détaillées. Le loueur a l'entière responsabilité de la fixation des tarifs, calendrier des disponibilités, critères de réservation, règlement intérieur que les locataires éventuels doivent accepter. De plus, AIRBNB propose un système de notation et de commentaires des hébergements qui peut conduire à la suspension temporaire de l’annonce, à l’annulation d’une réservation, ou même à l’interdiction de l’accès au site. Enfin, AIRBNB propose aussi au loueur un canevas définissant le contenu de son offre, un service de photographie, une assurance responsabilité civile, une garantie pour les dommages et un outil d’estimation du prix de sa location.

L'avocat général confronte ensuite cette activité aux dispositions de la directive 2000/31. Un service de la société de l’information est défini comme « un service presté contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire ». L'avocat général examine chacun de ces éléments. Il observe que la rémunération du service et la demande individuelle qui conduit à cette la prestation sont effectives dans le cas d'AIRBNB. En revanche, la nature du service fourni doit être établie : s'agit-il bien d'un service fourni à distance sans que prestataire et utilisateur soient présents simultanément et est-il entièrement fourni au moyen de dispositifs électroniques ?  Ou a-t-il un contenu matériel même s'il y a utilisation de moyens électroniques ? Si AIRBNB ne rencontre pas physiquement les destinataires de ses services, il est évident, remarque l'avocat général, « que la mise en relation des utilisateurs de la plateforme gérée par AIRBNB Ireland aboutit à l’usage d’un lieu d’hébergement, celui-ci pouvant être considéré comme un composant non électronique du service fourni par cette société » (point 41). Dès lors, est-ce que la directive 2000/31 s'applique ?

Lorsqu'une entreprise fournit des services mixtes c'est à dire prestés par voie matérielle et par voie électronique, la question qui se pose est de savoir quelles sont les règles qui lui sont applicables. Ainsi la directive 2000/31 pourra-t-elle s'appliquer si le service fourni par voie électronique est dissociable des autres services. Et pour le savoir, l'avocat général tire de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'UE deux critères : le prestataire « crée une offre de services dont le contenu est matériel » et il  « exerce une influence décisive sur les conditions de la prestation de tels services » (point 53). Si ces critères sont remplis, la nature matérielle de la prestation de services l'emporte et la directive 2000/31 ne s'applique pas.

Dans le cas d'AIRBNB, l'avocat général conclut qu’ « un service consistant à mettre en relation, au moyen d’une plateforme électronique, des locataires potentiels avec des loueurs proposant des prestations d’hébergement de courte durée, dans une situation où le prestataire dudit service n’exerce pas de contrôle sur les modalités essentielles de ces prestations, constitue un service de la société de l’information au sens desdites dispositions. Le fait que ledit prestataire propose également d’autres services dont le contenu est matériel n’empêche pas la qualification du service fourni par voie électronique comme un service de la société de l’information, à condition que ce dernier service ne forme pas un tout indissociable avec ces services. » (point 89). Pour parvenir à cette conclusion, l'avocat général observe, notamment, que « les services d’hébergement ne sont pas indissociablement liés au service fourni par AIRBNB Ireland par voie électronique, en ce sens qu’ils peuvent être fournis indépendamment de ce service. Ces services conservent toujours leur intérêt économique et restent autonomes par rapport au service électronique d’AIRBNB Ireland. » (point 59). En ce qui concerne le contrôle sur les conditions de la prestation de services : «...il est vrai » concède l'avocat général « que le service électronique d’AIRBNB Ireland a un impact sur le marché de l’hébergement de courte durée et, en réalité, sur le marché de l’hébergement en général. » Mais, poursuit-il : «...AIRBNB Ireland ne semble agir ni comme un pouvoir régulatoire des aspects économiques de ce marché ni comme un prestataire exerçant un contrôle décisif sur les conditions de la prestation des services d’hébergement. Toutes les implications sociales et économiques du fonctionnement de sa plateforme découlent des agissements des utilisateurs de cette plateforme et de la logique de l’offre et de la demande. » (point 72) et « ...si AIRBNB Ireland fournit une aide optionnelle à la détermination du prix, elle ne fixe pas pour autant ce prix, celui-ci étant déterminé par un loueur. » (point 73) pas plus qu'elle ne décide des conditions de location (point 74). Ni le fait qu'elle puisse suspendre une annonce voire interdire l'accès à sa plateforme, ni celui qu'elle collecte les loyers pour ensuite les reverser aux loueurs, ne sont souvent significatifs pour écarter l'application de la directive 2000/31, car il s'agit de pratiques et de facilités habituelles au regard des «standards de fonctionnement d’une plateforme électronique », selon l'avocat général (points 75 à 77).


    Un état peut-il restreindre la liberté de prestation des services de la société de l'information en réglementant l'accès à une activité ?


La deuxième question posée par le juge français est celle de l’articulation entre le principe de la libre circulation des services de la société de l’information posé par la directive 2000/31 et la faculté qu'ont les états de réglementer les conditions d’accès à une profession.

La directive comprend une liste des conditions que le prestataire doit satisfaire et qui doivent être considérées comme remplies par le pays membre dans lequel une société réalise des prestations de services à partir du moment où elles sont remplies dans l'état d'origine de cette société. Ce « domaine coordonné » couvre les règles d'accès à l'activité d'un service de la société de l'information (exigences en matière de qualification, d'autorisation ou de notification), et celles d'exercice (exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire). Les états ne peuvent pas restreindre la liberté de prestation de services d'une société d'un autre pays membre pour des raisons relevant de ce domaine coordonné. En dehors des habituelles dérogations possibles (liées aux nécessités de l'ordre public, à la protection de la santé publique, de la sécurité publique, la protection des consommateurs, si elles étaient gravement et sérieusement menacées par un service de la société de l'information et sous réserve de la proportionnalité des mesures restrictives prises), un état ne peut donc pas imposer à un prestataire de services de la société de l’information des exigences plus strictes que celles prévues par le droit matériel en vigueur dans le pays où il est établi.

Dans ce contexte juridique, la loi Hoguet pouvait-elle être opposée à AIRBNB ou s'agirait-il d'une restriction injustifiée à la liberté de circulation des services ? Selon l'avocat général, si la loi Hoguet est justifiée par un objectif de protection des consommateurs, rien ne permet de conclure qu'elle remplit les autres conditions exigées pour faire exception à la liberté de circulation des services. Par conséquent : « L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu’un État membre autre que celui sur le territoire duquel un prestataire de services de la société de l’information est établi ne peut pas, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation de ces services en invoquant, à l’égard d’un prestataire de services de la société de l’information, d’office et sans qu’un examen des conditions de fond soit nécessaire, des exigences telles que celles relatives à l’exercice de la profession d’agent immobilier, posées par la loi nº 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ».

Si la Cour de Justice de l'Union Européenne suit les conclusions de son Avocat Général, AIRBNB pourra donc bénéficier de la réglementation favorable applicable à une société de services de la société de l'information et ainsi échapper aux règles nationales plus strictes régissant le secteur d'activité auquel elle aurait pu être rattachée, celui des agences immobilières.

Mais alors, pourquoi la même réponse n'a-t-elle pas été faite à la société Uber qui elle aussi prétendait relever des règles régissant les sociétés de services de l'information, mais a vu sa prétention rejetée par la Cour de Justice de l'UE ?

 

Comparer avec la décision rendue sur UBER : Pour la Cour de Justice de l'UE, UBER n'est pas une société de services mais une entreprise de transport et peut être régulée comme telle

 

 

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  • Comentarios de sentencias del Tribunal de justicia de la Unión europea
  • Conclusiones de Abogados generales

 

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