6 - « Sauvetage » de certaines dispositions sociales
Le traité constitutionnel comportait un certain nombre d’avancées sociales.
Outre l’élargissement des objectifs de l’Union européenne au domaine social (plein emploi, progrès social, cohésion, lutte contre l’exclusion sociale…), le traité modificatif reprendra la clause sociale horizontale en vertu de laquelle les politiques et les actions de l'Union doivent tenir compte d'impératifs sociaux et des conséquences qu'elle peuvent entraîner dans le domaine social. Les services d’intérêt économique général feront l’objet d’un article reprenant la rédaction résultant du traité constitutionnel (article III-122) mais cet article est complété par un protocole qui pose des limites à l’action de l’Union européenne en reconnaissant le « rôle essentiel et la grande marge de manœuvre » des autorités nationales « dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ». Le protocole affirme aussi la diversité de ces services en fonction de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes, et la nécessité d’assurer un service universel de qualité. Enfin, l’Union se voit interdire toute action portant atteinte à la compétence des états dans la fourniture, la mise en service et l'organisation de services non économiques d'intérêt général.
7 - Maintien des innovations en matière de Politique Etrangère et de Sécurité commune (PESC) et d’ Espace de liberté, de sécurité et de justice, mais avec des précisions sur les compétences des états
La création d’un « Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » malgré la dénomination réductrice signe la volonté de mettre en place un service diplomatique qui s’attachera à rechercher et à appliquer le consensus en matière de relations extérieures.
Néanmoins, en réponse aux demandes de la France et du Royaume-Uni notamment, le caractère intergouvernemental de la PESC est confirmé : il sera clairement spécifié dans le corps du traité que la PESC est soumise à des règles et procédures particulières et rappelé dans une déclaration annexée que les dispositions couvrant la PESC ne confèreront pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n’accroîtront le rôle du Parlement européen. Une déclaration rappellera en outre que les dispositions relatives à la PESC ne portent pas atteinte aux compétences des États membres, telles qu'elles existent actuellement, pour l'élaboration et la conduite de leur politique étrangère ni à leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales (précision introduite afin de dissuader l’Union de revendiquer la représentation des états membres au Conseil de sécurité de l’ONU et d’assurer que ceux d'entre eux qui occupent un siège le garderont).
En matière de justice et affaires intérieures, des amendements sont apportés aux nouvelles prérogatives de l’Union qu’avait définies le traité constitutionnel. Par exemple, ainsi que cela été évoqué précédemment, un parlement national pourra s’opposer à une proposition de législation communautaire en matière de droit de la famille. De plus, le Royaume-Uni obtient une dérogation pour que les chapitres sur la coopération judiciaire en matière pénale et la coopération policière ne lui soient pas applicables (par une extension du champ d’application du protocole de 1997 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande).
Mais le traité modificatif ménage aussi la possibilité pour les états qui le souhaiteront de s’engager dans une coopération plus étroite sur une question donnée.
8 - Appartenance à l’Union européenne
Le traité modificatif reprendra la rédaction figurant dans le traité constitutionnel concernant les critères d’éligibilité et la procédure d’adhésion à l’Union européenne (référence aux valeurs de l'Union, engagement à promouvoir ces valeurs, obligation d'informer le Parlement européen et les parlements nationaux d'une demande d'adhésion à l'Union). Il ajoutera une référence à la prise en compte des critères d'éligibilité ayant fait l'objet d'un accord du Conseil européen (référence qui n’existait pas dans le traité constitutionnel).
Le droit donné à un pays de sortir de l’Union qui résultait du traité constitutionnel est maintenu.
Au terme de cet examen des principales dispositions du futur traité modificatif, que conclure ?
Le texte est certes encore au stade d’ébauche, mais, on l’a vu, il préserve nombre d’ innovations du traité constitutionnel ayant pour but de faciliter les décisions dans l'Union. Il abandonne tous les éléments qui pourraient donner à l'Union européenne les caractéristiques d'un Etat et parallèlement consacre la place et les compétences des états membres, revenant sur certains acquis de l’intégration européenne (ex : exercice du pouvoir de proposition législative sous la menace plus fréquente de vetos nationaux) . Il infléchit également les objectifs de l’Union en faisant plus de place aux aspects sociaux au détriment de la concurrence libre et non faussée.
C’est à la Conférence Intergouvernementale (CIG) qu’il incombe à présent de le parachever sur la base du mandat finalement très précis donné par le Conseil. Elle devrait commencer ses travaux le 23 juillet sous la Présidence portugaise de l’Union et les achever « le plus rapidement possible, et en tout état de cause avant la fin de 2007 » a indiqué le Conseil européen, l’objectif étant de laisser suffisamment de temps pour que le traité soit ratifié avant les élections au Parlement européen de juin 2009. Le Premier ministre portugais, José Socrates, a d’ores et déjà annoncé son intention de parvenir à une approbation du texte lors du Conseil informel qui se tiendra à Lisbonne les 18 et 19 octobre. Mais la vraie gageure sera de parvenir à un texte lisible, tant les déclarations et notes annexes, sans compter les subtilités des articles consacrés aux procédures institutionnelles, annoncent un traité fort peu « simplifié ». D’autant que les travaux à la CIG vont de nouveau donner lieu à des discussions sur chaque disposition, sur chaque mot. Autant dire que toutes les incertitudes sont loin d’être levées. Ainsi, par exemple, quel champ d’application sera conféré à la Charte des droits fondamentaux ? L’été va être laborieux, pas seulement pour l’Assemblé nationale française…
23/06/2007