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Des amendes plus lourdes pour les entreprises récidivistes coupables d'ententes

 

 

Gardienne de la concurrence dans le marché intérieur, la Commission européenne est chargée d’enquêter sur les violations éventuelles du doit communautaire de la concurrence (ententes, abus de position dominante) (1) et a le pouvoir de sanctionner les violations avérées par des amendes en vertu du règlement 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité sur la Communauté européenne (2).

Un arrêt récent de la Cour de Justice des Communautés européennes, du 8/2/2007, renforce le pouvoir de la Commission en la matière (3).

La Cour avait été saisie par le Groupe Danone d’un pourvoi demandant l’annulation d’un arrêt  du Tribunal de première Instance du 25/10/2005, rendu à son encontre, dans lequel le tribunal confirmait partiellement l’amende infligée par la Commission européenne au groupe pour infraction au droit communautaire de la concurrence. En décembre 2001, la Commission, après avoir constaté la participation de Danone à une entente dans le domaine de la bière vendue en Belgique, avait décidé de le sanctionner d’une amende de 44,043 millions d'euros. Saisi par Danone, le TPI avait confirmé la décision de la Commission tout en réduisant l’amende à 42,4125 millions d'euros. Fort marri de ce jugement qui était loin de répondre à ses attentes, Danone avait alors saisi la Cour de Justice des Communautés européennes.

Entre autres moyens, Danone soutenait qu’il y a avait une violation du principe de légalité (nulla poena sine lege : pas  de peine sans loi), le règlements communautaire applicable (règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962 remplacé depuis par le règlement 1/2003) ne prévoyant pas expressément la possibilité pour la Commission d’augmenter une amende en cas de récidive. L’ argument est rejeté par la Cour qui relève que l’article 15 du règlement 17 oblige la Commission quand elle fixe les amendes, à « tenir compte de la gravité et de la durée de l’infraction », ce qui lui laisse  une marge d’appréciation pour déterminer les facteurs à prendre en considération pour juger de la gravité des faits reprochés. Plus précisément, la Cour a déjà eu l’occasion dans une affaire antérieure, l’affaire Aalborg Portland, de décider  qu’une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause (4 ). Elle confirme cette solution en jugeant que la Commission était bien fondée à prendre en compte l’existence d’une récidive pour aggraver la sanction infligée à Danone.

La Cour réfute de la même façon le deuxième moyen avancé par Danone à l’appui de son pourvoi, à savoir la violation du principe de sécurité juridique. La société faisait valoir que, même en l’absence de dispositions spécifiques prévoyant un délai de prescription, il  était impossible de remonter aussi loin dans le temps que l’avaient fait la Commission européenne et le tribunal pour établir la récidive (en prenant en considération des infractions sanctionnées en 1974 et en 1984), sans faire peser sur les entreprises une menace « perpétuelle » contraire au principe de sécurité juridique qui est un des principes généraux du droit communautaire. La Cour constate le fait que Danone n’en était pas à « son coup d’essai », et que le tribunal a conclu « à bon droit que la répétition, par le Groupe Danone, d’un comportement infractionnel témoigne d’une propension de ce dernier à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son encontre d’une infraction auxdites règles ».

Cet arrêt a suscité des réactions contrastées, non en raison du fait que la récidive soit considérée comme une circonstance aggravante, mais parce qu’il est possible pour l’établir de remonter dans le temps sans limitation. La Commission, pour sa part, se trouve confortée dans sa volonté de faire appliquer les règles de concurrence en usant pour cela de la latitude que lui reconnaît la jurisprudence.

Pour autant, les entreprises ne seront pas prises au  dépourvu.

Le 28/06/2006, la Commission  européenne   a présenté de nouvelles lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en cas d’entente (5). En cas de récidive, ou à plus forte raison, de multirécidives, le niveau des amendes sera augmenté de façon « significative »  pour les entreprises concernées, l’augmentation passant à 100%  pour chaque infraction précédente, contre un maximum de 50 % auparavant. De plus, pour décider si une entreprise doit être considérée comme multirécidiviste, la Commission européenne tient également  compte des décisions prises par les autorités nationales de concurrence en vertu des articles 81 et 82 du traité CE. L’objectif est de rendre les amendes suffisamment dissuasives pour que les entreprises cessent de préférer en payer plutôt que de renoncer à s’entendre pour accaparer les marchés les plus profitables.

  26/02/2007

 


1- Articles 81 et 82 du traité sur la Communauté européenne

2 - Règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité

3 - Cour de Justice des Communautés européennes, 8/2/2007, aff.C-3-06 P, Groupe Danone c. Commission des Communautés européennes

4 - CJCE , 07/01/2004, aff. C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Aalborg Portland e.a./Commission

5 - Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JOUE C210 du 01/09/2006)

 

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