Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Les régions et l'Union européenne (I)

 

La question des relations entre les régions et l'Union européenne a longtemps été (et reste encore) une pomme de discorde dans un pays centralisé comme la France, mais ne revêt pas le même caractère polémique dans les pays dotés de régions à forte autonomie comme l'Italie ou l'Espagne, ou a fortiori dans des états fédéraux comme l'Allemagne.
La négociation des futurs crédits de la politique de cohésion qui intéresse directement le développement régional, la revendication autonomiste dans certaines régions espagnoles (Catalogne, Pays basque) ou britanniques (Ecosse), et l'arrivée au pouvoir en France d'une majorité qui se veut favorable à la décentralisation remettent dans l'actualité un thème sous-jacent de l'intégration européenne.

 

1 – Quel rôle pour les régions ?
 
- Quelle place pour les régions dans l'Union européenne ?

Seuls les états sont signataires des traités européens et membres de l'Union européenne.

Cependant, cela ne signifie pas que les régions sont absentes de la vie communautaire. Au contraire. On a pu même redouter que l'Union européenne ne court circuite les états et ne cherche à établir des relations directes avec les régions, une perspective particulièrement redoutée dans un pays de tradition jacobine comme la France. Dans d'autres pays, les collectivités infra étatiques jouent un rôle important notamment dans la gestion des crédits européens affectés au développement régional ce qui les a conduit à ouvrir des bureaux quelquefois importants à Bruxelles.

Sur le plan institutionnel, les régions et les collectivités locales sont associées au fonctionnement de l'Union européenne via le Comité des régions qui est un organe composé de 344 membres (auxquels s'ajoutent autant de membres suppléants) provenant des pouvoirs régionaux et locaux des 27 pays de l'UE. Ils sont nommés par le Conseil, sur proposition des états membres, pour un mandat de cinq ans et sont chargés de faire valoir les points de vue locaux et régionaux sur la législation européenne. Si le Comité n'a pas de pouvoir décisionnel mais est simplement consulté (par le biais de l'élaboration de rapports ou "avis" sur des thèmes intéressant les pouvoirs locaux et régionaux comme la politique de l'emploi, l'environnement, l'éducation ou la santé publique), son rôle a été renforcé par le traité de Lisbonne. Ce dernier dispose que la Commission européenne doit désormais consulter les pouvoirs locaux et régionaux, ainsi que leurs représentations dans toute l'Europe, dès la phase prélégislative.  Et lorsque la Commission présente une proposition législative, elle doit à nouveau consulter le Comité des régions si ce texte concerne l'un des domaines politiques qui concernent directement les autorités locales et régionales.

L'appartenance à l'Union européenne permet aux régions de développer des coopérations fondées sur des communautés d'intérêts et des solidarités qui s'expriment en dehors du cadre strictement national. Comme l'exprime l'eurodéputé François Alfonsi, à propos de l'appartenance de la Corse à l'arc de la Méditerranée, en ces termes: "Dans la construction des états, la Corse est un  peu un cul de sac. Dans la construction d'une alliance euroméditerranéenne, la Corse se retrouve au coeur d'un espace géopolitique...La redistribution géographique, pour les régions périphériques notamment, est très importante car elle permet de sortir d'une sorte d'enfermement des frontières étatiques qui sont aujourd"hui totalement dépassées et d'ouvrir des possibilités de rayonnement à notre environnement naturel qui est l'espace méditerranéen" (Emission  "Questions sur l'Europe", France Inter, 16/02/2013). 

A l'extrême, la revendication d'une reconnaissance hors l'appartenance à des frontières étatiques "totalement dépassées" selon le député Alfonsi, peut conduire au désir de sécession. A l'étranger, des régions réclament leur indépendance. C'est par exemple le cas en Espagne où la Catalogne est le théâtre de manifestations prônant le séparatisme, comme cela a été le cas encore récemment. Mais si cette revendication aboutissait, quel serait alors le statut de la nouvelle entité par rapport à l'Union européenne? Contrairement à ce que prétendent les indépendantistes catalans, la Catalogne indépendante ne serait pas automatiquement membre de l'Union européenne. Il faudrait qu'elle fasse comme tout pays tiers une demande d'adhésion et elle ne pourrait intégrer l'Union européenne que si les pays membres donnaient le feu vert à son adhésion par un vote unanime. Il faudrait donc que l'Espagne ne s'y oppose pas...C'est ce qui a été rappelé récemment par la Commission européenne pour expliquer son rejet d'une initiative citoyenne. Lancée en Espagne, celle-ci avait pour objet déclaré de garantir la souveraineté des citoyens dans les processus de sécession à l'intérieur d'un état membre de l'Union européenne et de maintenir l'appartenance européenne des nouveaux états issus de la sécession de régions d'un pays membre. Le 30 mai 2012, la Commission a refusé d'enregistrer cette initiative au motif qu'elle n'entre pas dans son domaine de compétence pour proposer une législation européenne. Il n'existe pas dans les traités européens de base juridique qui permette d'aborder par le biais du droit communautaire dérivé les conséquences d'une sécession à l'intérieur d'un état membre. La Commission rappelle également que l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que seuls sont citoyens européens les nationaux des états membres de l'Union et que la citoyenneté européenne complète et ne remplace la citoyenneté nationale.

 
- La gestion des fonds de la politique régionale

Chargée d'appliquer la promesse de campagne de François Hollande, la Ministre Marylise Lebranchu rappelle que la décentralisation des fonds européens est intouchable. Dans des pays comme l'Allemagne ou l'Italie ce sont les länder ou les régions qui ont autorité sur les crédits de la politique européenne de cohésion.

En France, le système a d'abord été centralisé (gestion par les autorité nationales centrales) puis déconcentré comme actuellement (gestion par le Préfet représentant des autorités centrales en région avec l'aide des personnels des SGAR - secrétariats généraux pour les affaires régionales). Pour la période de programmation 2007-2013, la manne communautaire s'élève pour la France à 14 milliards d’euros du Fonds européen de développement régional  (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) auxquels s'ajoutent  7,6 milliards d’euros du Fonds européen pour le développement rural (FEADER) et  4,3 milliards d’euros du FEP. Les préfets de région associent chacun des partenaires - régions et départements -, à la mise en oeuvre des programmes opérationnels définis au niveau de l’État dans le cadre des Comités régionaux de programmation. Ces derniers sont des organes consultatifs réunissant les services déconcentrés de l’État, et les représentants de la région et du département. Ils sélectionnent les projets après instruction par les services de l’État et avis d’instances techniques partenaires, mais les décisions de programmation de chaque opération sont prises par les préfets de région.

La réforme voulue par le nouveau gouvernement poursuit l'objectif de répondre à une revendication des exécutifs régionaux qui veulent décider de l'utilisation de crédits destinés au développement de leur économie et à l'aménagement territorial, et d'être plus efficace en donnant à chaque échelon sa place pour être au plus près des besoins du terrain. En effet, actuellement, la France a des difficultés à consommer les crédits européens dont une partie repart à Bruxelles, n'ayant pas trouvé à être utilisée. Une communication présentée à la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale le 12 décembre 2012 présente les grandes lignes de la réforme envisagée.  (Commission des affaires européennes, 12 décembre 2012, Communication de M. Christophe Léonard sur la gestion des fonds structurels par les régions). Les modalités de gestion diffèreraient selon les fonds structurels concernés.
Le pouvoir de gestion et une large partie des fonds du Fonds social européen (FSE) serait transféré aux régions. La gestion nationale avec délégation des gestion aux préfets de département serait maintenue pour une petite partie des crédits pour les compétences relevant de l’État.
S'agissant du Fonds européen de développement régional (FEDER), le même principe serait appliqué.
Pour les autres fonds comme le FEADER et le FEAMP, la décision de délégation aux régions n'est pas prise, ce qui vaut au gouvernement des pressions de la part des exécutifs régionaux qui demandent un transfert de fonds complet et rappellent les engagements du candidat Hollande. Les régions semblent craindre un recul car elles n'ignorent pas que la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens est  contestée pour deux raisons principales : le manque de compétence économique et technique, et le risque de clientélisme dans l'attribution des aides. 

 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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