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HADOPI censurée

 

Et un obstacle  de plus sur la route accidentée d’HADOPI , un...

Après le Parlement européen, c’est au tour du Conseil constitutionnel de de porter un coup qui pourrait être fatal au dispositif de riposte graduée prévu par le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (1). Dans une décision récente (2), il a censuré les dispositions relatives au pouvoir de sanctions de la " Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet " (HADOPI) qui lui aurait permis de  couper l’accès internet en cas de téléchargement illégal, après des mise en demeures restées vaines.

« …aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; …eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ». Ce considérant de la décision est un des éléments du raisonnement qui a conduit le Conseil à déclarer partiellement contraires à la Constitution les articles du projet de loi relatifs à HADOPI.

Si le principe de la séparation des pouvoirs ne s’oppose pas à ce qu’une autorité administrative puisse exercer un pouvoir de sanction pour remplir sa mission, rappelle le Conseil,  la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis doit être respectée et « les atteintes portées à l’exercice de la liberté d’expression et de communication doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi » (considérant 15). L’accès à internet n’est pas un droit en soi mais constitue un composant des droits d’expression et de communication.

Or, remarque le Conseil, les pouvoirs conférés à l’HADOPI par le projet de loi sont trop étendus et disproportionnés par rapport au but poursuivi (la protection du droit d’auteur et des droits assimilés) (considérant 16). Notamment ils permettent la suspension de l’accès à internet du titulaire de l’abonnement utilisé pour télécharger illégalement en violation de son droit à s’exprimer et communiquer librement. De plus, le mécanisme de la riposte graduée tel qu’il est institué viole le principe de la présomption d’innocence puisque la culpabilité du titulaire de l’abonnement est présupposée (le projet de loi disposant en effet que le téléchargement illégal à partir de l’adresse internet de l’abonné constitue « la matérialité des manquements »). Cette « présomption de culpabilité » conduit à instaurer une culpabilité pour autrui puisqu’il est possible que l’abonné ne soit pas l’auteur du téléchargement illégal. Or, le  Conseil constitutionnel  n’admet de dérogations au principe de responsabilité personnelle en matière répressive que dans des cas exceptionnels et sous réserve de respecter des conditions qui ne sont pas remplies en l’occurrence.

Les dispositions des articles 5 et 11 du projet de loi qui violent ces principes sont donc contraires à la Constitution et doivent être supprimées. En conséquence de quoi, HADOPI se trouve privée de ses pouvoirs de sanction. Elle garde certes la possibilité d’adresser des avertissements aux internautes suspectés de téléchargement illégal. Le principe de la riposte graduée peut donc subsister. Mais le rôle d’HADOPI devient un rôle préalable à une éventuelle procédure judiciaire. Le Conseil confirme la compétence du tribunal de grande instance pour ordonner  les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin (considérant 38).

Et maintenant ?

En France, le gouvernement désavoué se trouve devant l’alternative de, soit promulguer la loi, mais sans les dispositions qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel, soit demander une deuxième délibération au Parlement. La Ministre de la Culture a pris acte de la décision du Conseil (comment pourrait-il en être autrement ?) et annoncé que la loi serait complétée rapidement afin de donner au juge la responsabilité de la sanction à l’issue des diverses étapes de  la riposte graduée.

Au niveau de l’Union européenne

Les sanctions pour les internautes ayant téléchargé illégalement sont au centre d’une discussion ente la Parlement européen et le Conseil qui fait obstacle à l’adoption du « paquet telecom », trois propositions de textes qui réforment le secteur. Le Parlement européen, on l’a vu s’est en effet opposé à la possibilité de restrictions des droits fondamentaux sans une décision préalable de la justice, en votant  l’amendement Bono (qui a connu lui-même bien des vicissitudes). Or cet amendement est contraire au compromis qui avait été trouvé non sans difficultés entre le Conseil et le Parlement. Comme on s’en doute, au Conseil, la France qui au même moment présentait le projet de loi sur la création et internet, a été au premier rang des opposants. Le débat autour de l’amendement anti HADOPI comme on l’a souvent appelé a ainsi paralysé le travail législatif sur l’ensembles des textes qui composent le paquet telecom. La décision du Conseil constitutionnel qui conforte leur thèse a donc été accueillie favorablement par les eurodéputés ainsi que par la Commission européenne qui avait exprimé ses réticences sur les dispositions relatives aux pouvoirs d’HADOPI. Les uns et l’autre espèrent un déblocage des négociations sur le paquet telecom. Et la décision du Conseil constitutionnel devrait mettre le Parlement européen en position de force.

15/06/2009

 


1 - Projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, adopté le 13/05/2009, dossier législatif sur le site de l'Assemblée Nationale

2 - Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 "Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet", sur le site du Conseil constiutionnel

 

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