Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Imaginez la « forteresse » Europe

 

Tel pourrait être le résumé de la présentation par la Commission européenne, le 13 février, d’une série de communications qui composent sa vision de ce que devrait être à l’avenir le système de gestion des frontières extérieures de l’Union européenne.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’élaboration d’une politique européenne de l’immigration (largement communautarisée par le récent traité de Lisbonne - 1) afin de « préserver l’intégrité de l’espace Schengen » (2) et d’assurer que le franchissement des frontières extérieures « demeurera aussi simple que possible pour les ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions d’entrée » (3). Le commissaire européen chargé de ce dossier, a expliqué que les mesures proposées permettront la libre circulation « légitime » des personnes et de mieux faire face aux « poussées migratoires imprévues », notamment à la frontière maritime sud de l’Union européenne. Pour faire bonne mesure, il a souligné qu’elles réduiront « la traite des êtres humains à destination de l’Union ».

De plus, les états qui comme l’Espagne et l’Italie se trouvent aux avant postes demandent depuis longtemps les moyens de contrôles nécessaires à la politique décidée en commun. L’Union s’apprête donc à consolider le mur d’enceinte juridique qu’elle a entrepris de bâtir pour faire obstacle à l’immigration non estampillée conforme (4). 

A cette fin, différentes actions sont proposées.

 

Faciliter la surveillance des frontières (5)

La gestion intégrée des frontières combine des mesures et des mécanismes de contrôle qui, au delà des actions aux frontières proprement dites, mobilisent les consulats des États membres situés dans les pays tiers (qui délivrent les visas nécessaires) et nécessitent la coopération avec les pays tiers voisins.

La Commission européenne propose de compléter le dispositif.

  • En premier lieu, elle préconise d'instaurer un système d'enregistrement électronique des dates auxquelles les ressortissants de pays tiers admis pour un séjour de courte durée (jusqu'à trois mois) entrent dans l'espace Schengen et en sortent. S’il est constaté que le voyageur a dépassé la durée de séjour autorisée, des signalements automatiques seraient directement transmis aux autorités compétentes, tant au moment du dépassement qu’à celui où la personne quitte l’Union européenne. Le demandeur  d’un visa pour l’Union devrait fournir ses données biométriques au moment de sa demande,  afin qu’elles soient envoyées au système d’information sur les visas (VIS). Ces données permettraient de vérifier l’identité du titulaire du visa grâce à des  appareils qui équiperaient les points de passage frontaliers. Ce système pourrait être opérationnel d’ici 2015.
  • En second lieu, la Commission propose de faciliter le franchissement des frontières pour les voyageurs de bonne foi, en prévoyant des procédures automatisées de contrôle aux frontières (sans l'intervention de gardes-frontières) pour les citoyens de l'Union européenne et certaines catégories de ressortissants de pays tiers. Un appareil lirait les données biométriques figurant dans les documents de voyage ou stockées dans un système ou une base de données, et les comparerait aux identifiants biométriques du voyageur. Un statut de «voyageur enregistré» serait ainsi attribué après un examen réalisé sur la base de critères communs de contrôle qui incluraient un historique des déplacements antérieurs (par ex : pas de dépassement de la durée autorisée lors des séjours précédents), la preuve que le voyageur dispose de moyens de subsistance suffisants, et la détention d’un passeport biométrique. Les états membres seraient responsable du contrôle du respect des critères durant la période de validité limitée (cinq ans ou durée de validité du visa).
  • Enfin, un système d'autorisation électronique de voyage pourrait être mis en place. Elle se substituerait au visa pour les  ressortissants de pays tiers soumis à cette obligation, mais elle  pourrait être aussi imposée aux nationaux de pays tiers qui ne sont actuellement pas soumis à l'obligation de visa.

La protection des données serait assurée par les règles communautaires en matière de protection des données, et respecter notamment les impératifs de nécessité, de proportionnalité, de limitation des finalités et de qualité des données.

 

Développer l'action de FRONTEX (6)

Opérationnelle depuis octobre 2005, FRONTEX, l’agence de l’Union européenne  pour les frontières,  mène des opérations conjointes (par ex : patrouilles) à tous les types de frontières extérieures de l’Union. La participation des États prend des formes variées, comme le détachement d'experts ou la fourniture d'équipements tels que des bateaux et des avions. En 2006–2007, L'Agence a mené 9 opérations aux frontières maritimes, 12 aux frontières terrestres, 7 aux frontières aériennes, 5 opérations supplémentaires couvrant plusieurs types de frontières. Elles ont été complétées par dix projets pilotes. 53 000 personnes ont été appréhendées ou interdites d'entrée aux frontières au cours de ces opérations. Plus de 2 900 documents de voyage faux ou falsifiés ont été détectés et 58 passeurs d'immigrés clandestins ont été arrêtés.

Progressivement l’Agence a vu ses moyens augmenter par exemple en mai 2007 avec le réseau européen de patrouilles qui fonctionne sur la base d’une coopération entre les pays membres concernés (Portugal, Espagne, France, Italie, Slovénie, Malte, Grèce et Chypre) et les pays qui sont leurs voisins. Le règlement relatif aux équipes d’intervention rapide aux frontières, entré en vigueur le 20 août 2007, prévoit une «capacité de réaction rapide» pour aider tout État membre en difficulté.

Pour l’avenir, la Commission propose de développer les opérations conjointes entre États membres, y compris les patrouilles frontalières maritimes. Des bureaux spécialisés de l'Agence seraient créés dans les États membres, pour faciliter l'organisation pratique des opérations conjointes et des projets pilotes. L’Agence pourrait être aussi habilitée à jouer un rôle accru dans la collaboration avec les pays tiers en menant des projets pilotes au bénéfice de ces pays. A plus long terme, la Commission envisage la constitution d'un corps européen de gardes-frontières à part entière, plutôt que d'assurer la coordination des ressources.

 

Mettre en place un système européen de surveillance des frontières (7)

La Commission européenne propose de créer un système européen de surveillance des frontières (EUROSUR) qui serait dans un premier temps concentré sur les frontières méridionales et orientales de l'Union. On se souvient des images de ces migrants retrouvés noyés au large des côtes italiennes ou espagnoles et de la colère des autorités de ces deux pays qui pressaient leurs partenaires européens de les aider à surveiller une frontières extérieure de l’Union européenne prise d’assaut par ceux qui espèrent une vie meilleure, et par les passeurs et trafiquants d’êtres humains dont ils sont les proies (8).

Dans une première phase, EUROSUR fournirait le cadre technique commun de la coopération et la communication quotidiennes entre les autorités des États membres par l’extension et l'interconnexion des mécanismes de surveillance nationaux. 

Dans une seconde phase, des financements européens via le programme de recherche développement permettraient de perfectionner techniquement les outils de surveillance et les capteurs (satellites, véhicules aériens sans pilote…).

Enfin, dans une troisième phase, l'ensemble des systèmes de signalement et de contrôle se trouvant dans les zones maritimes relevant de la compétence territoriale des États membres et dans les zones de haute mer adjacentes, seraient intégrés en réseau européen. Il se limiterait d’abord à la Méditerranée, à l'Atlantique sud (îles Canaries) et à la mer Noire avant d’être élargi à l'ensemble du domaine maritime de l'Union européenne.

Selon le calendrier envisagé par la Commission européenne, les mesures concernant FRONTEX et EUROSUR, notamment la participation accrue des États membres aux opérations des patrouilles frontalières conjointes, pourraient être mises en œuvre en 2008. Pour les autres propositions, l’échéance est plus incertaine. Mais la Présidence française ayant fait de l’immigration clandestine une de ses priorités, elle s’attachera certainement à faire avancer rapidement le dossier, avec à la clé d’autres propositions comme l’harmonisation des régimes d’asile  et des négociations sur les accords de réadmission (9).

 

25/02/2008

 

En savoir plus:

Le contexte des propositions de la Commission (chiffres de l'immigration, règles actuelles)

 

 


 

1 - Voir sur ce site le dossier sur le traité de Lisbonne, partie 13

2 - L’espace Schengen est un espace sans frontières constitué entre 24 pays (22 pays membres de l’union : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Finlande, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie et République tchèque, et deux pays associés : Norvège et Islande). Il est né dans les années pour contourner le désaccord entre états membres de la Communauté sur la signification de la notion de libre circulation. Pour certains États, celle-ci ne devait s'appliquer qu'aux seuls citoyens européens, ce qui impliquait de conserver les contrôles aux frontières pour distinguer citoyens européens et ressortissants de pays tiers. Pour d’autres, la libre circulation s’appliquait à tous ce qui impliquait de supprimer ces contrôles frontaliers. Ces derniers, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas décidèrent alors en  1985, de créer entre eux un territoire sans frontières, l'espace « Schengen ». Cette coopération intergouvernementale s'est par la suite développée pour regrouper d’autres états.

3 - Extrait du communiqué de presse de la Commission européenne

4 - Voir sur ce site l’article L'Union européenne opte pour l'immigration sélective 

5 – Communication : « Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l’Union européenne », COM(2008) 69 final du 13/02/2008

6 - Communication: "Rapport sur l'évaluation et le développement futur de l'agence FRONTEX", COM(2008) 67 final, 13/02/2008

7 -  Communication: "Examen de la création d'un système européen de surveillance des frontières (EUROSUR)", COM(2008) 68 final, 13/02/2008

8 – Voir, par exemple, sur ce site, l’article : HERA II, des patrouilles aux frontières extérieures de l'Union européenne

9 – Site du Premier Ministre/ Dossier :  La Présidence française de l’UE : une présidence citoyenne

Rubrique : Qu’est ce que le pacte européen sur l’immigration et l’ asile ?

 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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