Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Un programme pour une Union européenne rénovée?

 

Dans une Union européenne qui doute, la Commission européenne devrait être l’institution qui insuffle l’énergie et la créativité nécessaires pour retrouver le chemin de la croissance et de la confiance dans les bienfaits de l’intégration européenne.

Le programme de travail présenté le 27/10/2010 se propose « principalement d’accélérer la reprise », ce qui peut paraître manquer de « souffle » mais la crise est là et elle affecte les budgets et les ambitions (1).

Comme d’habitude dans ce type d’exercice, on retrouve des objectifs anciens, des propositions connues et quelques innovations autour de thèmes généraux avec lesquels il est difficile d’être en désaccord, de type : combattre la crise économique, relancer la croissance pour l’emploi avec le programme Europe 2020, construire un espace de liberté, de justice et de sécurité (propositions de législation sur le droit européen des contrats, sur les droits des victimes de la criminalité afin de garantir un accès suffisant à l'assistance juridique, à la justice et à la protection des citoyens dans tous les États membres, sur des normes minimales en matière de droits procéduraux dans les procédures pénales, notamment en matière d'assistance juridique et d'aide juridictionnelle, sur la lutte contre l'immigration illégale et la criminalité organisée, sur la lutte contre la corruption et la fraude). Mais cette année, à la veille de l’ouverture de la négociation du cadre financier pluriannuel (les propositions de la Commission, base de la discussion, devraient être connues mi 2011), les négociations en vue de la modernisation du budget de l'UE figurent en bonne place et la Commission annonce notamment qu’elle présentera une proposition en vue d'une « nouvelle décision sur les ressources propres », ce qui promet des discussions animées avec les états.

Une place importante est accordée à l’adoption du nouveau cadre réglementaire global pour le secteur financier, au lancement du premier semestre européen de la coordination des politiques économiques, à la surveillance des politiques budgétaires, et de manière plus générale aux mesures proposées pour améliorer la gouvernance économique européenne. Afin d’achever la réforme de la régulation financière, la Commission propose de revoir les règles relatives au capital des banques, la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIFID) et  la directive sur les abus de marché pour améliorer la transparence et la sécurité des marchés de produits dérivés. Elle annonce également une proposition sur les agences de notation et une législation établissant un cadre pour la gestion et la résolution des crises bancaires. Des propositions devront être également faites et adoptées pour protéger les petits investisseurs et les consommateurs (accès aux services bancaires de base, encadrement des prêts hypothécaires).

Sur les politiques sectorielles, le programme de travail va porter sur la préparation du cadre financier pluriannuel. Des communications et des rapports seront publiés par la Commission sur la réforme de la politique agricole commune, la politique commune de la pêche et l'avenir de la politique de cohésion, toutes politiques qui devront être mises au service d’une croissance européenne « durable », fondée sur une « utilisation efficace des ressources » ce qui implique en particulier un recours plus important aux énergies renouvelables et l’achèvement de l’espace européen des transports. La croissance devra également être « inclusive » c’est-à-dire fondée sur la lutte contre l’exclusion y compris du marché de l’emploi (la Commission annonce à ce titre diverses propositions dont la révision de la directive relative au détachement des travailleurs, et celle de la directive sur le temps de travail toujours en panne ainsi qu’une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois). Enfin, cette croissance devra être « intelligente » grâce à des propositions qui viendront mettre en œuvre les initiatives de la stratégie Europe 2020 afin de développer l’innovation et la création, de favoriser la formation et la mobilité des jeunes, de soutenir l’économie numérique. Un système de normalisation plus intégré devrait être également créé afin de soutenir la compétitivité mondiale des entreprises européennes, notamment des PME.

Garant de la croissance européenne, le marché unique n’est pas encore assez intégré. De nombreux obstacles à la mobilité existent encore et c’est pourquoi, le fonctionnement du marché intérieur a fait l’objet de propositions spécifiques (2) au service de la croissance européenne et pour une économie sociale de marché (formule qui reprend partiellement celle de l’article 3 du traité sur l’Union européenne) (3). Ces 50 propositions se sont fondées sur le rapport sur la relance du marché unique dont avait été chargé Mario Monti (4) et qui préconisait « une nouvelle stratégie destinée à préserver le marché intérieur du risque de nationalisme économique, à l'étendre à de nouveaux domaines essentiels pour la croissance européenne et à dégager un degré de consensus acceptable à son égard ». L’unification des régimes de TVA, le soutien à la création et à l’innovation (création d’un brevet communautaire, enfin, serait-on tenté de remarquer compte tenu du retard pris par le dossier, lutte contre la contrefaçon, directive sur la gestion des droits d’auteur), la réglementation des activités transfrontalières ou la politique industrielle sont quelques unes des mesures phares. Pour permettre aux PME de profiter pleinement des opportunités offertes par le marché européen, la Commission propose diverses initiatives et l’adoption de règles nouvelles, par exemple, en adaptant les règles de passation des marchés publics, en définissant des règles communes concernant les contrats de concession, en révisant les normes comptables, en favorisant l’accès aux marchés de capitaux ou encore en facilitant le recouvrement transfrontalier de créances. Une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS) sera également discutée pour permettre aux entreprises d'opter pour un système simplifiant les règles fiscales. Les recours des consommateurs et le règlement des litiges feront aussi l’objet de propositions. En particulier, la Commission européenne rappelle que les discussions sur un texte permettant les recours collectifs se poursuivent, un rappel nécessaire pour montrer que la Commission  n’abandonne ce dossier sur  lequel l’accord est loin de se faire au Conseil, alors que les organisations de consommateurs souhaitent une « class action » européenne.

Le rapport Monti appelait à "Réconcilier marché et social”. Préoccupation pertinente car on  sait combien les aspects économiques et financiers du marché unique fondent une grande part des critiques faites à l’intégration européenne dans la mesure où ils apparaissent dictés par la recherche exclusive du profit et de la dérégulation associés à l’ultralibéralisme. Même excessive, cette critique trouve un écho favorable dans une partie de l’opinion publique européenne. Ceci, associé au fait que globalement les européens sont aujourd’hui plus sceptiques sur les apports de l’Union européenne, si l’on en croit les sondages, explique la réapparition du mot « social » dans le discours officiel. Reste à lui donner un contenu : les 50 propositions pour le marché intérieur contiennent un certain nombre de mesures et d’engagements. Ainsi « la Commission s'engage à adopter d'ici 2011 une Communication accompagnée d'un ensemble d'actions sur les services d’intérêt général » notamment pour étendre les obligations de service universel à de nouveaux domaines si l’évolution des besoins essentiels des citoyens européens le justifie. La Commission révisera également le cadre réglementaire de financement des "services publics" afin de donner plus de sécurité juridique aux autorités publiques locales qui s’inquiètent de savoir si elles sont en porte à faux des règles communautaires lorsqu’elles financent des services publics. Le problème se pose en particulier pour les services sociaux : à quelles conditions subventionner ou passer un marché public avec une association gérant une crèche, un organisme de logement social ou une structure accompagnant des personnes handicapées?.

La Commission s’engage également à veiller au respect des droits garantis par la Charte, « y compris le droit de mener des actions collectives », ce qui apparaît aller de soi mais qui est sans doute une réponse aux protestations nées de l’application de la directive sur le détachement des travailleurs et sa confrontation avec les règles sociales du pays d’accueil. De même, comme l’y oblige le traité de Lisbonne la Commission va mettre en place des méthodes d’analyse de l'impact social de toutes les propositions de législations sur le marché unique. En d’autres termes, la Commission s’engage à respecter le droit communautaire…C’est bien de le dire. Mais n’est-ce pas le minimum requis ?

D’ autres engagements sont plus novateurs. Ainsi, par exemple, celui de proposer une révision des règles sur le détachement de travailleurs afin de clarifier l’application des dispositions protectrices de l'état d'accueil, encore que le débat sur la révision de la directive soit ouvert depuis un certain temps ! On peut donc espérer qu’il arrive à son terme en 2011 et les organisations syndicales seront certainement vigilantes sur la façon dont aura été intégrée la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union.

On peut également citer la réforme du système de reconnaissance des qualifications professionnelles (et la création d’une carte professionnelle pour certaines professions), ou encore des initiatives pour développer l’économie sociale (entreprenariat social, statut de la  coopérative européenne).

Dans la conférence de presse qui a suivi la présentation du plan, le Commissaire Barnier a eu ce propos éclairant : "Peut-être que le type de croissance, ou d'ouverture parfois mal maîtrisée, qu'on a eu depuis quinze ou vingt ans mérite d'être réorienté".  Peut-être bien en effet.

 

15/11/2010

 


1- Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Programme de travail de la Commission pour 2011 », COM(2010) 623 final, Vol.1

Communication from the Commission to the European parliament, the Council, the European economic and social committee and the Committee of the regions “Commission work programme 2011”, COM(2010) 623 final, Vol.2

2 - Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Vers un Acte pour le Marché unique Pour une économie sociale de marché hautement compétitive 50 propositions pour mieux travailler, entreprendre et échanger ensemble », COM(2010) 608 du 27 /10/2010

3 – Article 3 §3 du Traité sur l'Union européenne : « ….3. L'Union établit un marché intérieur. Elle oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.  Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant.  Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres.  Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen …».

4 - Rapport de Mario Monti au Président de la Commission européenne: "Une nouvelle stratégie pour le marché unique" du 9 mai 2010

5 – « Bruxelles veut remettre le social à l'ordre du jour dans l'UE », AFP, 27/10/2010

 

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