Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Du traité simplifié au traité européen modificatif, commentaire - partie 1

 

Est-ce le réveil de l’Union européenne après une longue période de torpeur ? Est-ce la relance tant attendue ? A en croire les titres des médias français, telle est l’impression d’ensemble qui ressortait à l’issue du Conseil européen des 20 et 21 juin consacré à la négociation d’un nouveau traité européen.

Mais de quelle relance s’agit-il, au fait ?

Si les mots ont un sens, il suffit de remarquer que nous sommes passés du traité constitutionnel européen au « mini traité » ou traité simplifié proposé par la France (et qui, semble-t-il, a fourni une base aux  discussions entre les états), à ce que les conclusions de la Présidence du Conseil appelle un traité modificatif. C’est dire assez que l’ambition s’est faite plus modeste et que la relance évoquée prendrait la forme d’un aménagement des traités existants, et non celle d’un processus constitutionnel ( ceci au moment même où une enquête réalisée au printemps (1) révèle que 66% des européens sont favorables à l’idée d’une constitution européenne, dont 68 % en France et 55 % aux Pays-Bas, les deux pays ayant voté non au projet de constitution proposé en 2005).

Beaucoup de bruit pour rien, ou peu de chose,  en somme ? Est-ce certain et la sémantique n’est-elle pas trompeuse ? Une seule façon de répondre à ces questions : remonter à la source c’est-à-dire aux conclusions de la Présidence (2) qui ont clôt les travaux de Conseil  et plus précisément à l’annexe qui définit le mandat de la Conférence Intergouvernementale (CIG) chargée de rédiger le texte du futur traité.

 

1 - Renoncement au projet constitutionnel et à ses symboles

Tout ce qui pouvait évoquer l’évolution vers un état fédéral européen dans le traité constitutionnel européen est purement et simplement supprimé. Exit donc le terme si controversé de « constitution » au profit de celui de « traité modificatif ». Difficile de trouver formule plus neutre ! Mais, comme l’indiquent les conclusions, l’idée d’abroger tous les traités actuels pour les remplacer par un texte unique appelé « Constitution », a été abandonnée.

Le traité modificatif se limitera donc à amender  les traités actuels qui resteront en vigueur (notamment les dispositions relatives aux politiques qui subissent peu de modifications), en y introduisant certaines des nouvelles dispositions issues des travaux de la CIG de 2004 (celle qui allait « accoucher » du traité constitutionnel européen). Concrètement, le traité modificatif contiendra deux clauses principales afin de modifier le traité sur l'Union européenne (traité UE) dont l’intitulé demeurera inchangé,  et le traité instituant la Communauté européenne (traité CE).  La nouvelle dénomination de ce dernier sera « traité sur le fonctionnement de l'Union », le terme de Communauté étant remplacé par celui d’ « Union ». L’Union sera dotée d'une personnalité juridique unique, ce qui mettra fin à la dichotomie actuelle.

Les références aux symboles de l’Union européenne, contenues dans le traité constitutionnel,  disparaissent : drapeau, hymne, devise passent à la trappe.

Le passage d’un projet politique à une réforme plus limitée se traduit dans le vocabulaire par le maintien ou l’adoption d’une une terminologie technique, voire technocratique qui se substitue aux termes trop évocateurs des caractéristiques de l’Etat. Sont ainsi victimes de l’épuration sémantique : le Ministre des affaires étrangères de l’Union, qui fera place à un  « haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » (à la demande du Royaume-Uni hostile à toute menace de perte de souveraineté diplomatique) , et  les termes "loi" et "loi-cadre" qui seront abandonnés au profit du maintien des termes actuels de "règlements", "directives" et "décisions".

Toujours afin de ne pas effaroucher les souverainistes ombrageux, la primauté du droit de l'Union européenne ne sera plus affirmée dans un article mais une déclaration rappellera  la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui consacre cette primauté et s’impose aux juridictions nationales (3). Ce qui ne change rien sur le fond.

 

2 - Réécriture des objectifs de l’Union européenne

L’article relatif aux objectifs de l’Union sera réécrit. Il reprendra en grande partie la rédaction qui était la sienne dans le Traité constitutionnel européen mais, fait nouveau, « la concurrence libre et non faussée » qui avait été si décriée en France sera supprimée de la liste des objectifs de l’Union, en réponse à une demande du Président français. Le Royaume-Uni inquiet de cette disparition a obtenu qu’un protocole rappelle que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée ». Le fonctionnement actuel du marché intérieur ne sera pas affecté puisque la concurrence libre et non faussée demeure le principe phare de la politique communautaire de concurrence qui, comme toutes les politiques européennes ( la controversée partie III du traité constitutionnel) est maintenue, le traité modificatif ne révisant pas les traités actuels sur ces points.

D’autres nouveautés dans la rédaction de cet article sont à signaler: le principe de libre circulation des personnes aura pour contrepoint la référence à la nécessité d’une politique d’immigration et de contrôle des frontières extérieures de l’Union. La protection des citoyens de l’Union sera également un des objectifs assignés à celle-ci dans ses relations extérieures.

 

3 - Réintroduction de la Charte des droits fondamentaux

La Charte des droits fondamentaux dont on avait pu craindre qu’elle ne disparaisse du projet de nouveau traité est finalement présente. Mais elle n’est pas incluse dans le corps du texte. Elle y figure  sous forme d’un renvoi dans l’article sur les droits fondamentaux  qui lui confèrera une valeur juridiquement contraignante (la même que les traités, précise le projet d’article)  et en définira le champ d'application, ce qui introduit un élément d’incertitude sur sa portée. De plus, le Royaume-Uni, qui était opposé à ce qu’une telle force juridique contraignante soit reconnue à la Charte, sera exempté de l’appliquer pour les droits qui ne sont pas reconnus par sa législation. C’est à cette condition que l’opposition britannique a pu être évitée et que la Charte a été « incorporée », quoique de manière indirecte, à l ‘ébauche de traité.

 

Suite

 


 

1 - EUROBAROMÈTRE 67, L’opinion publique dans l'Union Européenne, juin 2007

2 - Conseil européen de Bruxelles, 21 et 22 juin 2007, Conclusions de la Présidence, 11177/07

3 - Déclaration : « La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'UE, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence. »

 

Les PLus

 

Les PLus

 

 

Jurisprudence

 

  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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