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Différence de traitement fondée sur l'âge

 

 

Dans un arrêt du 16/10/2007 (1) , la Cour de justice des Communautés européennes précise la portée des dispositions de la directive européenne 2000/78 (2). Celle-ci interdit certaines formes de discrimination en matière d’emploi et de travail, et, notamment, celle fondée sur l’âge. Cependant les législations nationales peuvent prévoir des différences de traitement, qui ne seront pas considérées comme discriminatoires à condition  d’être « objectivement et raisonnablement justifiées », dans le cadre du droit national, par un objectif légitime (par exemple,  politique de l’emploi) et de reposer sur des mesures « appropriés et nécessaires ».

L’ affaire portée devant la Cour concernait une réglementation espagnole qui validait les clauses de mise à la retraite d’office figurant dans des conventions collectives. Ces clauses exigent comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d’âge (65 ans)  pour l’admission à la retraite et remplisse les autres critères en matière de sécurité sociale pour avoir droit à une pension de retraite de type contributif. Un employé dont le contrat de travail avait été résilié au motif qu’il avait atteint l’âge de la mise à la retraite d’office, avait contesté devant le « Juzgado de lo Social nº 33 de Madrid », juridiction nationale compétente, cette résiliation, estimant qu’il s’agissait d’un licenciement.

Saisie par la juridiction espagnole, la Cour de Justice des Communautés européennes a du répondre à plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 2000/78:

  • Quant au champ d’application de la directive 

Pour qu’une réglementation nationale relève des prescriptions de la directive il faut qu’elle contienne  des règles relatives à « des conditions d'emploi et de travail, y compris de licenciement et de rémunération ». Tel est le cas en l’espèce : la réglementation espagnole qui lie le fait qu’un travailleur ait atteint l’âge fixé pour la mise à la retraite d'office et la rupture de la relation de travail, affecte bien la durée du rapport de travail et, de façon plus générale, l'exercice par le travailleur concerné de son activité professionnelle (considérants 45 et 46)

  • Quant à l’existence d’une différence de traitement entre travailleurs

La réglementation en cause impose, de manière directe, un traitement moins favorable aux travailleurs ayant atteint l’âge de mise à la retraite  par rapport à l’ensemble des autres personnes en activité. Il y a donc bien une différence de traitement directement fondée sur l’âge (considérant 51).

  • Quant à la justification du traitement différencié

Même si cet objectif n’est pas clairement indiqué, divers éléments tirés du contexte d’adoption de la réglementation espagnole (ex : demande  des partenaires sociaux), montrent que l’objectif est bien de réguler le marché du travail  en répartissant mieux l’emploi entre les générations et ainsi enrayer le chômage (considérant 62). La légitimité d’un tel objectif ne fait pas de doute, que ce soit au regard de la directive 2000/78 qu'à celui des traités en vertu desquels  la promotion d’un niveau d’emploi élevé est un des objectifs de l’Union européenne. De plus, la Cour de Justice des Communautés européennes elle-même a déjà jugé que la promotion de l’embauche constitue sans aucun doute un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des États membres (ex : CJCE,11/01/2007, aff. C-208/05,  Innovative Technology Center GmbH –ITC- / Bundesagentur für Arbeit) . Cette appréciation, poursuit le juge communautaire,  doit « à l’évidence » s’appliquer à des instruments de la politique du marché du travail national visant à améliorer les chances d’insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs. La première condition pour que la différence de traitement ne soit pas considérée comme discriminatoire (être « objectivement et raisonnablement justifiée » dans le cadre du droit national) est donc remplie.

Il reste à savoir si les mesures prises (mise à la retraite d’office) pour atteindre l’objectif poursuivi sont « appropriées et nécessaires ». C’est la seconde condition. Sur ce point également, la Cour estime que la réglementation espagnole n’est pas contraire au droit communautaire car « il n’apparaît pas déraisonnable pour les autorités d’un État membre d’estimer qu’une mesure telle que celle en cause au principal puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué dans le cadre de la politique nationale de l’emploi et consistant à promouvoir le plein emploi en favorisant l’accès au marché du travail » (considérant 72). D’autant plus que la mise à la retraite d’office n’intervient pas sur la seule considération de l’âge mais aussi à condition que les travailleurs concernés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d’une pension de retraite, qui estime le juge communautaire est en l’occurrence suffisamment élevée pour que l’argument d’une atteinte excessive aux intérêts des travailleurs en question soit rejeté (considérant 73). D’autant plus, enfin, que la réglementation espagnole permet aux partenaires sociaux de moduler l’usage de la mise à la retraite d’office dans les conventions collectives, afin de prendre en compte non seulement la situation du marché du travail mais aussi les caractéristiques propres des emplois en cause.

Ce faisceau d’éléments conduit le juge communautaire à juger que la réglementation espagnole est bien compatible avec les exigences de la directive 2000/78 .

05/11/2007

 


1- CJCE, 16/10/2007, aff.C-411/05, Félix Palacios de la Villa / Cortefiel Servicios SA

2 - Directive du 27/11/2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail).

 

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