Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Adoption de la directive sur les soins transfrontaliers (2ème partie)

 

Critiques et réponses aux critiques

Lors de la négociation de la directive, des inquiétudes exprimées alléguaient une menace pour les systèmes de santé nationaux.

La directive concerne  les soins et non les systèmes de santé. Les États membres ont la possibilité de réglementer et de planifier leur propre système, les régimes de sécurité sociale, leur organisation et leur gestion restant de leur compétence, mais ils doivent le faire  sans créer sans créer des obstacles injustifiés à la libre circulation. C’est pourquoi, les modalités de l’articulation du principe communautaire de libre circulation et de liberté d’organisation et de gestion des régimes de sécurité sociale par les lois nationales, sont une des préoccupations de ceux qui redoutent des atteintes aux systèmes de sécurité sociale. Une autre crainte, liée à la première, est que le développement des soins transfrontaliers ne grève lourdement les budgets sociaux de certains pays.

En réponse à ces inquiétudes, le texte consolidé voté par le Parlement rappelle tout d’abord l’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dont le point 7 dispose : « L'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services  de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées. Les mesures visées au paragraphe 4, point a), ne portent pas atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons d'organes et de sang ou à leur utilisation à des fins médicales ». La directive inclut également une série de dispositions rappelant ce principe :

article 1 : « 4.  La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions législatives et réglementaires des États membres en matière d'organisation et de financement des soins de santé dans des situations sans rapport avec les soins de santé transfrontaliers. En particulier, rien dans la présente directive n'oblige un État membre à rembourser des coûts des soins de santé dispensés par des prestataires de soins de santé établis sur son propre territoire si ces prestataires ne font pas partie du système de sécurité sociale ou du système de santé publique dudit État membre ».

considérant 10 : «  La présente directive a pour but d'établir des règles visant à faciliter l'accès à des soins de santé transfrontaliers sûrs et de qualité dans l'Union, et à garantir la mobilité des patients conformément aux principes établis par la Cour de justice et à promouvoir la coopération en matière de soins de santé entre les États membres, dans le plein respect des responsabilités des États membres en matière de définition des prestations de sécurité sociale liées à la santé et en matière d'organisation et de fourniture de soins de santé, de soins médicaux et de prestations de sécurité sociale, en particulier pour la maladie ».

considérant 11 : « La présente directive devrait s'appliquer aux patients à titre individuel qui décident de se faire soigner dans un État membre autre que leur État membre d'affiliation. Comme l'a confirmé la Cour de justice, ni leur caractère particulier, ni leur mode d'organisation ou de financement ne saurait faire échapper les soins de santé au principe fondamental de la libre prestation de services. Néanmoins, l'État membre d'affiliation peut choisir de limiter le remboursement des soins de santé transfrontaliers pour des raisons liées à la qualité et la sécurité des soins de santé dispensés, si des raisons impérieuses d'intérêt général liées à la santé publique le justifient. L'État membre d'affiliation peut également prendre d'autres mesures pour d'autres motifs lorsque cela peut être justifié par des raisons impérieuses d'intérêt général. En effet, la Cour de justice a jugé que la protection de la santé publique fait partie des raisons impérieuses d'intérêt général qui peuvent justifier des restrictions à la libre circulation prévue par les traités ».

considérant 12 : « …la Cour de justice a, à de nombreuses reprises, jugé que des raisons impérieuses d'intérêt général sont susceptibles de justifier une entrave à la libre prestation de services, notamment des impératifs de planification liés à l'objectif de garantir sur le territoire de l'État membre concerné une accessibilité suffisante et permanente à une gamme équilibrée de soins de grande qualité ou à la volonté d'assurer une maîtrise des coûts et d'éviter autant que possible tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines. De même, la Cour de justice a reconnu que l'objectif de maintenir, pour des raisons de santé publique, un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous peut également relever de l'une des dérogations pour des raisons de santé publique, prévues à l'article 52 du traité, dans la mesure où un tel objectif contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé. La Cour de justice a également considéré que ladite disposition du traité permet aux États membres de restreindre la libre prestation des services médicaux et hospitaliers dans la mesure où le maintien d'une capacité de soins ou d'une compétence médicale sur le territoire national est essentiel pour la santé publique ».

Retoqué par le Parlement européen, et au fil des discussions avec le Conseil, le texte de la directive répond à une vision plus large et plus « sociale » des soins de santé, comme le confirme la référence à l’article 168 du TFUE (4), alors que la proposition initiale de la Commission, la base juridique de la directive était seulement fondée sur l’article 114 du TFUE (fonctionnement du marché intérieur) d’où la critique à la vision marchande de la santé qui était faite à cette proposition.

Il reste d’autres questions ouvertes, comme le signale sur son blog l’eurodéputée  Bernadette Vergnaud : la mobilité des professionnels, la démographie médicale, ou le vieillissement de la population.

Il reste aussi à garantir l’accès de soins de qualité à tous mais ceci est un autre chantier, national en premier lieu. 

 

25/02/2011

 


4 - Article 168 du TFUE :

1. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'Union.

L'action de l'Union, qui complète les politiques nationales, porte sur l'amélioration de la santé publique et la prévention des maladies et des affections humaines et des causes de danger pour la santé physique et mentale. Cette action comprend également la lutte contre les grands fléaux, en favorisant la recherche sur leurs causes, leur transmission et leur prévention ainsi que l'information et l'éducation en matière de santé, ainsi que la surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé, l'alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci.

L'Union complète l'action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l'information et la prévention.

2. L'Union encourage la coopération entre les États membres dans les domaines visés au présent article et, si nécessaire, elle appuie leur action. Elle encourage en particulier la coopération entre les États membres visant à améliorer la complémentarité de leurs services de santé dans les régions frontalières.

Les États membres coordonnent entre eux, en liaison avec la Commission, leurs politiques et programmes dans les domaines visés au paragraphe 1. La Commission peut prendre, en contact étroit avec les États membres, toute initiative utile pour promouvoir cette coordination, notamment des initiatives en vue d'établir des orientations et des indicateurs, d'organiser l'échange des meilleures pratiques et de préparer les éléments nécessaires à la surveillance et à l'évaluation périodiques. Le Parlement européen est pleinement informé.

3. L'Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière de santé publique.

4. Par dérogation à l'article 2, paragraphe 5, et à l'article 6, point a), et conformément à l'article 4, paragraphe 2, point k), le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, contribuent à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant, afin de faire face aux enjeux communs de sécurité:

a) des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances d'origine humaine, du sang et des dérivés du sang; ces mesures ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes;

b) des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique;

c) des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments et des dispositifs à usage médical.

5. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, peuvent également adopter des mesures d'encouragement visant à protéger et à améliorer la santé humaine, et notamment à lutter contre les grands fléaux transfrontières, des mesures concernant la surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé, l'alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci, ainsi que des mesures ayant directement pour objectif la protection de la santé publique en ce qui concerne le tabac et l'abus d'alcool, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres. 6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut également adopter des recommandations aux fins énoncées dans le présent article. 7. L'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services  de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées. Les mesures visées au paragraphe 4, point a), ne portent pas atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons d'organes et de sang ou à leur utilisation à des fins médicales.

 

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Jurisprudence

 

  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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