Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Jurisprudence communautaire, novembre 2012

 

 

 

Accès aux documents des institutions européennes

Le droit d'accès aux documents des institutions européennes est reconnu par le droit communautaire aux citoyens de l'Union européenne et aux personnes morales. Il est à l'origine de nombreuses saisines du Médiateur de l'Union européenne dont les interventions permettent souvent d'amener une institution à revenir sur un refus de communiquer des documents.

Mais ce droit peut être limité ou refusé en cas d'atteinte à la protection de l'intérêt public.

C''est ce que vient de rappeler le Tribunal de l'Union européenne dans un arrêt du 29/11/2012.

En août 2010, une journaliste de Bloomberg avait demandé à la Banque Centrale Européenne l’accès à deux documents, intitulés « L’incidence des échanges hors marché sur le déficit et la dette publics. Le cas de la Grèce » et « La transaction Titlos et l’existence éventuelle de transactions analogues affectant les niveaux de déficit et de dette publics de la zone euro ». La BCE avait rejeté sa demande en invoquant notamment la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique économique de l’Union européenne et de la Grèce. La journaliste et Bloomberg Finance LP avaient alors contesté cette décision devant le Tribunal.

Leur recours est rejeté par le Tribunal. En refusant l’accès aux documents parce qu'il y avait un risque d'atteinte à l'intérêt public, la BCE n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation (qui aurait pu justifier l'annulation de la décision).

Le premier document, rappelle le tribunal, contenait les hypothèses et les avis des membres du personnel de la BCE sur l’incidence des échanges hors marché sur le déficit public et sur la dette publique, avec une attention particulère sur le cas de la Grèce permettant de donner une vue de la situation en mars 2010. En octobre 2010 – plus de sept mois après sa rédaction – la BCE a motivé son refus d'accès à ce document au motif que les informations contenues étaient dépassées et que, par conséquent, leur divulgation présenterait un risque important et grave de tromper fortement le public et les marchés financiers, ce qui, dans un environnement de marché instable, affecterait encore plus le bon fonctionnement des marchés financiers. Car, même si les acteurs des marchés sont des professionnels habitués à travailler avec ce type de documents, et aptes à analyser les informations, la fiabilité dont sont créditées les hypothèses et points de vue émises par la BCE permettait de craindre que, même dépassées, celles-ci ne soient considérées comme encore valables. Une telle erreur aurait pu avoir des conséquences négatives sur l’accès aux marchés financiers, de la Grèce en particulier et sur la confiance publique relative à la conduite effective de la politique économique de l’Union et de la Grèce.

Quant au second document, dans la mesure où son contenu était étroitement lié à celui du premier document, sa divulgation pourvait être refusée pour les mêmes motifs.

TUE, 29/11/2012, aff. T-590/10 Gabi Thesing et Bloomberg Finance LP / BCE

 

Pas de discrimination linguistique dans l'accès aux concours de l'Union européenne

En février et mai 2007, des avis de concours pour recruter des fonctionnaires européens ont été publiés au Journal Officiel de l'Union Européenne en langues allemande, anglaise et française. Les épreuves exigeaient une connaissance approfondie d'une des langues officielles de l'Union en tant que langue principale et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français en tant que deuxième langue différente de la principale. Ces trois langues étaient utilisées pour les convocations, la correspondance entre l'organisme organisateur du concours et les candidats, les tests d'accès et l'admission aux épreuves écrites.

L'Italie a demandé l'annulation de ces avis devant le Tribunal de recours en mettant en cause l’absence de publication intégrale des avis dans les langues officielles autres que les trois langues précisées et la limitation arbitraire du choix de la deuxième langue à trois langues seulement. Son recours ayant été rejeté, elle a formé un pourvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne. La Cour lui donne raison dans son arrêt du 27/11/2012 en jugeant que l’obligation de présenter les épreuves de sélection dans l’une des trois langues constitue une discrimination en raison de la langue. L'Union européenne compte 23 langues officielles et langues de travail des institutions et le JOUE doit paraître dans toutes ces langues (bulgare, espagnol, tchèque, danois, allemand, estonien, grec, anglais, français, irlandais, italien, letton, lituanien, hongrois, maltais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, slovaque, slovène, finnois, suédois). Un candidat potentiel dont la langue maternelle n'est pas l’une des trois langues de la publication intégrale des avis aurait été désavantagé, car il aurait dû se procurer le JOUE dans l’une de ces langues et le lire dans cette langue avant de décider de se porter candidat.

De plus, la Cour estime que la la limitation du choix de la deuxième langue pour la participation à un concours ne peut se justifier que par des critères clairs, objectifs et prévisibles pour permettre aux candidats de connaître suffisamment à l'avance les connaissances linguistiques requises et pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions. Tel n'était pas le cas en l'occurrence. L'arrêt du Tribunal est donc annulé ainsi que les avis des concours généraux. Mais "afin de préserver la confiance légitime des candidats sélectionnés", les résultats des concours ne sont pas remis en cause.

Cour de Justice de l'Union européenne, 27/11/2012, aff.C-566/10P, Italie / Commission

 

La décision de créer le Mécanisme européen de stabilité (MES) est valide

La création du MES (article: Le Mécanisme européen de stabilité) s'est heurtée à beaucoup de contestations notamment devant les tribunaux. Après la Cour constitutionnelle allemande (voir : Mécanisme euopéen de stabilité (MES) et pacte budgétaire, suite / Le MES bientôt opéationnel), la Cour de Justice de l'Union européenne a du à son tour se prononcer sur la légalité de cette création. A l'origine de sa saisine, il y a le recours d'un parlementaire irlandais, M. Pringle, qui soutenait devant la Cour suprême d'Irlande que la modification du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) par une décision du Conseil (procédure de révision simplifiée) était illégale car elle comporterait une modification des compétences de l’Union et serait incompatible avec des dispositions des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, relatives à l’Union économique et monétaire, ainsi qu’avec les principes généraux du droit de l’Union. Enfin, en ratifiant le traité MES, l’Irlande assumerait des obligations incompatibles avec lesdits traités. La Cour suprême, a alors décidé de poser la question à la Cour de justice: la décision du Conseil européen de créer le MES est-elle légale et le MES est-il compatible avec le droit de l’Union européenne?

Compte tenu de l'importance de la question et de la nécessité de "lever dans les meilleurs délais, l’incertitude que ces questions font apparaître", l'affaire a été jugée selon la procédure accélérée (la Cour avait été saisie le 3 août 2012).

Le 27/11/2012, la Cour valide la décision du Conseil et juge que le droit de l’Union ne s’oppose pas à la conclusion et à la ratification du traité instituant le MES par les états de la zone euro.

Sur le recours à la procédure de révision simplifiée pour modifier le TFUE, la Cour rappelle qu'elle n'est effectivement possible que pour modifier la troisième partie du TFUE (les politiques et actions internes de l'UE) et que si la modification n'a pas pour conséquence d'accroitre les compétences de l'Union.

La première des conditions est respectée, poursuit la Cour, puisque la modification qui crée le MES porte bien sur les politiques et actions internes de l'Union.

Le raisonnement du juge est le suivant:

La création du MES n'empiète pas sur la compétence exclusive reconnue à l’Union (première partie du TFUE) dans le domaine de la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro, mais apporte un volet complémentaire au nouveau cadre réglementaire pour le renforcement de la gouvernance économique de l’Union qui instaure une coordination et une surveillance plus étroites des politiques économiques et budgétaires menées par les États membres et vise à consolider la stabilité macroéconomique et la viabilité des finances publiques. Alors que ce cadre est de nature préventive, puisqu'il a pour but de réduire le risque de crises de la dette souveraine, la création du MES a, elle, pour but de régler des crises financières qui pourraient surgir malgré les actions préventives entreprises. Il relève, donc, du domaine de la politique économique.

Pas plus qu'elle n'affecte la politique monétaire, la création du MES n’entame pas non plus la compétence reconnue à l’Union (première partie du TFUE) pour la coordination des politiques économiques des pays membres. Puisque le TUE et le TFUE ne donnent pas de compétence spécifique à l’Union pour établir un mécanisme de stabilité comme le MES, les états de la zone euro pouvaient parfaitement conclure entre eux un accord portant sur l’institution d’un tel mécanisme. La conditionnalité stricte de l’octroi d’une assistance financière par le MES suffit à assurer que ce mécanisme respectera le droit de l’Union, y compris les mesures prises par l’Union dans le cadre de la coordination des politiques économiques des États membres.

La seconde condition que doit remplir le recours à une procédure de révision simplifiée, celle de ne pas accroitre les compétences de l'Union, est également respectée, selon la Cour. En effet, la décision du Conseil ne crée aucune base juridique en vue de permettre à l’Union d’engager une action qui n’était pas possible auparavant. Le fait que le MES recourre à des institutions de l’Union, notamment à la Commission et à la BCE, n’est pas de nature à affecter la validité de la décision, car celle-ci ne prévoit que l’institution d’un mécanisme de stabilité par les états et reste muette sur tout rôle éventuel des institutions de l’Union dans ce cadre.

Enfin, les traités européens s'opposent-ils à ce que les états de la zone euro puissent conclure un accord tel que le traité MES? Non, répond la Cour.

CJUE, 27/11/2012, aff.C-370/12, Thomas Pringle / Government of Ireland, Ireland, The Attorney General

 

Indemnisation des passagers aériens pour la perte d'objets

L'indemnisation due à un passager aérien en cas de perte de ses bagages survenue lors du vol ou pendant que le transporteur en avait la garde est régie par la convention de Montréal à laquelle l'Union européenne est partie (Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999). L' indemnité est limitée à 1 000 droits de tirage spéciaux (« DTS ») .

Dans un arrêt du 22/11/2012, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que cette indemnisation est due au passager même si les objets perdus se trouvaient dans un bagage enregistré au nom d'un autre passager du même vol, si le passager peut en apporter la preuve. En l'espèce, M. Espada Sánchez, Mme Oviedo Gonzáles et leurs deux enfants mineurs qui avaient voyagé sur un vol de la compagnie Iberia de Barcelone à Paris réclamaient à la compagnie des dommages et intérêts pour la perte d'objets leur appartenant qu'ils avaient répartis dans deux valises égarés au cours du vol et non retrouvées. La juridiction espagnole qui devait trancher le litige avait demandé à la Cour si le transporteur aérien devait indemniser seulement le passager ayant la fiche d’identification de bagage ou s’il devait aussi indemniser le passager qui réclamait le dédommagement au titre de la perte d’un bagage enregistré au nom d’un autre passager.

CJUE, 22/11/2012, aff.C-410/11, Pedro Espada Sánchez e.a. / Iberia Líneas Aéreas de España SA

 

Information des voyageurs ferroviaires

Les voyageurs par train qui se plaignent de pâtir d'un manque d'information sur les retards ou les suppressions des trains devraient être intéressés par l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 22/11/2012. Elle y précise que le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire est obligé de fournir aux entreprises ferroviaires, en temps réel, toutes les informations concernant les correspondances assurées par les autres entreprises, ce qui permet aux voyageurs ferroviaires d'être informés des retards ou suppressions des trains constituant des correspondances principales, quelle que soit l’entreprise ferroviaire qui les assure.

Une entreprise ferroviaire autrichienne s'était vu refuser par le gestionnaire du réseau les données concernant les trains des autres entreprises ferroviaires qu'elle demandait afin de pouvoir informer ses passagers des heures de départ effectives des trains et d’assurer les correspondances. Le gestionnaire de réseau avait refuser de communiquer ces données au motif qu’il ne transmettait, en principe, que les données relatives à l’entreprise ferroviaire concernée.

Un refus censuré par la Cour de justice de l'Union européenne car il viole le droit communautaire.

CJUE, 22/11/2012, aff.C-136/11 Westbahn Management GmbH / ÖBB-Infrastruktur AG

 

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