Constitution de l'Union Européenne : pas d'accord à la Convention Inter Gouvernementale (suite de l'article)
Les représentant italiens ont présenté une proposition de compromis afin de rallier les suffrages et de conclure les négociations sur le projet de constitution.
Ce compromis n'inclut pas la référence à l'héritage chrétien . De même, il ne reprend pas les objections des pays sur le renforcement de la politique de défense européenne (1).
S 'agissant des questions financières, la présidence italienne a proposé la possibilité de maintenir la règle du vote à l'unanimité au sein du Conseil des ministres de l'Union Européenne (excluant donc un pouvoir de décision du Parlement) pour l'adoption du cadre financier pluriannuel mais d'introduire une procédure de codécision Conseil- Parlement pour le vote du budget annuel.
Sur la pondération des voix au Conseil des ministres et la composition de la Commission, le compromis de la présidence italienne a échoué. L'Espagne et la Pologne souhaitaient conserver le système de pondération des voix prévu par le traité de Nice qui leur confère un poids sensiblement supérieur à leur dimension démographique réelle, puisqu'elles disposent de 27 votes, contre 29 à des pays pourtant beaucoup plus peuplés (l'Allemagne, en premier lieu). Le Royaume-Uni proposait de renvoyer la décision à 2009 , mais les pays fondateurs ( l'Italie, la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) s'y opposaient. La proposition de compromis consistait à porter le pourcentage démographique à 66% , ce qui aurait garanti à l'Espagne et à la Pologne de disposer d'une minorité de blocage. Une autre option était d'offrir à l'Espagne et à la Pologne deux commissaires à l'instar des quatre " grands " états (Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni), en échange de concessions sur le calcul des voix au Conseil.
Mais rien n'y a fait. Si les négociateurs espagnols ont assoupli quelque peu leur position (2) ,cela n'a pas été jugé suffisant par les autres états, d'autant que la Pologne pour sa part maintenait intactes ses revendications.
Fait inhabituel, la présidence a interrompu les travaux le 13 décembre dans l'après- midi, constatant qu'un accord était impossible. Ce sera à l'Irlande, qui assumera la présidence semestrielle de l'Union à compter du 1er janvier 2004, de reprendre le flambeau pour mener à terme l'adoption de la future Constitution européenne.
Traduisant un sentiment assez largement partagé, J.Chirac observait aussitôt que mieux valait suspendre la négociation que d'obtenir un accord au rabais et relançait l'idée de "groupes pionniers" pour permettre à la construction européenne de continuer à avancer, autrement dit ce que l'on appelait il n'y pas si longtemps des " coopérations renforcées ". On peut aussi penser que cette idée sera utilisée comme un argument pour convaincre les plus récalcitrants (3).
Les négociations à venir promettent d'être tendues d'autant plus que six états membres (l'Allemagne, l'Autriche, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède) ont adressé une lettre à la Commission dans laquelle ils demandent que les dépenses de l'Union Européenne élargie soient maintenues à 1% du PIB, leur niveau réel actuel (4). Selon le Président de la Commission, M.Prodi, ce gel des dépenses remettrait d'abord en cause la politique de cohésion qui bénéficie aux régions les plus en retard de développement. L'initiative des six pays, rendue publique le 15 décembre, ressemble fort à des représailles à l'encontre des deux pays qui ont manifesté la plus forte opposition à l'adoption du projet de constitution, l'Espagne et la Pologne, qui sont très attachés à la poursuite de la politique de cohésion. Or, pour le vote du budget, comme pour celui de la Constitution, chaque état a un droit de veto...
1-L'Allemagne , la France et le Royaume-Uni ont également fait adopter un compromis grâce auquel l'Union Européenne se dote pour la première fois d'une cellule militaire destinée à planifier des opérations autonomes de l'Otan. Voir sur ce point : AFP, 12/12/2003 ; Nathalie DUBOIS et Jean QUATREMER : " Les Européens en bataille rangée " , libération, 13/12/2003. Egalement : " L'UE accouche d'un accord important mais tortueux " , La Libre Belgique, édition électronique : lalibre.be du 12/12/2003
2- Luis Ayllòn : " Aznar subraya que España se mantuvo siempre abierta a un acuerdo " (Aznar souligne que l'Espagne a toujours été ouverte au compromis ) ; abc, édition électronique : abc.es, du 14/12/2003
3- Le 14/12/2003, Yahoo actualités faisait état de la volonté du Président polonais de dépasser l'échec du sommet de Bruxelles : " Nous devons chercher de nouvelles idées pour parvenir à un compromis, nous devons avoir plus confiance les uns dans les autres..La Pologne sera active dans ce processus. Nous comptons sur une bonne coopération avec l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne dont les rôles dans l'Union Européenne sont tellement importants " , ajoutant : " "La Pologne souhaite que l'Europe élargie se développe à la même vitesse", Dépêche du 14/12/2003 : " Constitution: le président polonais appelle l'Europe à chercher les moyens de parvenir à un compromis ", fr.news.yahoo.com
4-Communiqué de presse de la Commission, IP/03/1731 du 15/12/2003