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Clauses abusives dans les conventions d'honoraires




cour de jusitce de l'union européenne

Une audience de la Cour de justice chambre à cinq juges
Source : Cour de Justice de l’Union Européenne

 

Le droit de la consommation s’applique aux conventions d’honoraires établies par un avocat avec un non professionnel. La convention d’honoraires détaille le mode de rémunération et le montant des honoraires et doit être signée lors de la première consultation. Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de rappeler que les clauses d’un tel contrat doivent être précises et claires. Faute de quoi, elles pourraient être considérées comme abusives.


L’affaire à l’origine de cet arrêt opposait, en Lituanie, un client à son avocate. Cinq contrats portant sur différents litiges avaient été conclus. L’avocate s’y engageait à fournir des consultations orales ou écrites, à préparer et à signer des projets de documents juridiques, à réaliser des expertises juridiques de documents et à représenter le client devant divers organismes. Ils prévoyaient que le montant des honoraires s’élevait à 100 euros pour chaque heure de consultation donnée au client ou de prestation de services juridiques. Une partie de ces honoraires était payable dès présentation d’une facture de services juridiques, compte tenu des heures effectuées en consultations ou en prestations de services juridiques. L’avocate avait fourni ses services juridiques au cours des années 2018 et 2019 mais n’avait pas reçu l’intégralité des honoraires réclamés et demandé en justice leur paiement. Le litige était arrivé devant la Cour suprême de Lituanie qui avait posé à la CJUE plusieurs questions préjudicielles avant de statuer.


La CJUE devait indiquer quelle était l’interprétation à donner aux dispositions de la directive européenne qui protègent les consommateurs contre les clauses abusives dans les contrats conclus avec les professionnels (directive 93/13/CEE du Conseil).
 

La réponse de la Cour est donnée dans un arrêt du 12 janvier 2023 (aff. C-395/21 | D.V.)
 

La Cour rappelle tout d’abord qu’une clause du contrat qui fixe le prix des services fournis selon le principe du tarif horaire « fait partie des clauses qui définissent l’essence même du rapport contractuel ». Elle relève de  « l’objet principal d’un contrat » et doit donc être rédigée « de façon claire et compréhensible » pour ne pas être considérée comme abusive (article 4-2 de la directive) (point 32 de la décision de la Cour).
 

Elle poursuit en précisant qu’afin de mieux protéger le consommateur, cette condition de rédaction doit être interprétée de façon extensive : le consommateur doit être « mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui » (37). Quand bien même « il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel » reconnait la Cour, « les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée » (43). Conclusion : ces conditions ne sont pas remplies par la clause qui fixe le prix des services selon le principe du tarif horaire sans plus d’informations (comme par exemple, une estimation du nombre prévisible ou minimal d’heures nécessaires ou encore un engagement d’envoyer, « à intervalles raisonnables », des factures ou des rapports périodiques indiquant le nombre d’heures de travail accomplies)  (44 et 45).  

Cette clause est-elle pour autant abusive ? Le juge national doit faire une évaluation globale, au dela de l’absence de transparence qui ne suffit pas à établir le caractère abusif, même s’il en est un élément important. Il prendra en compte l’absence ou non de bonne foi, ou l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur (47).
 

Enfin, la CJUE aborde les conséquences du caractère abusif de la clause. Son application doit être écartée par le juge national qui l’a constatée (sauf si le consommateur s’y oppose). La CJUE précise, de plus, que lorsqu’un contrat de prestation de services juridiques ne peut pas subsister après la suppression de la clause relative au prix, la directive 93/13 ne s’oppose pas à l’invalidation de celui-ci, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. Mais le juge national peut « exceptionnellement » substituer à une clause abusive annulée une disposition de droit national à caractère supplétif si l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (63).
 

Les avocats ont donc tout intérêt à s’assurer que les clauses des conventions d’honoraires qu’ils rédigent remplissent bien les critères posées par la CJUE dans son arrêt.

 

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011,
doit être interprété en ce sens que :
relève de cette disposition une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix des services fournis selon le principe du tarif horaire.
2)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83,
doit être interprété en ce sens que :
ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix de ces services selon le principe du tarif horaire sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, des informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences économiques qu’entraîne la conclusion de ce contrat.
3)      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83,
doit être interprété en ce sens que :
une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur, fixant, selon le principe du tarif horaire, le prix de ces services et relevant, dès lors, de l’objet principal de ce contrat, ne doit pas être réputée abusive en raison du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, telle que modifiée, sauf si l’État membre dont le droit national s’applique au contrat en cause a, conformément à l’article 8 de ladite directive, telle que modifiée, expressément prévu que la qualification de clause abusive découle de ce seul fait.
4)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83,
doivent être interprétés en ce sens que :
lorsqu’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause déclarée abusive qui fixe le prix des services selon le principe du tarif horaire et que ces services ont été fournis, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national rétablisse la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. Dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que le juge national remédie à la nullité de ladite clause en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties audit contrat. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que le juge national substitue à la clause abusive annulée une estimation judiciaire du niveau de la rémunération due pour lesdits services.




Sur l’application en France du contrôle juridictionnel des clauses abusives dans une Convention d’honoraires, voir :
Patrick Lingibé, Avocats : le contrôle des clauses abusives d’une convention d’honoraires
Lextenso 31 /10/2022



 

 

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