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Séparer le bon bio de l’ivraie




cour de jusitce de l'union européenne

Une audience de la Cour de justice chambre à cinq juges
Source : Cour de Justice de l’Union Européenne

 

 


L’agriculture et les produits bio ont le vent en poupe. Ils sont associés à un mode de production et de consommation plus respectueux de l’environnement, de la santé, des consommateurs à qui ils promettent une information transparente. Pour sceller ce contrat de confiance, l'Union européenne s'est notamment dotée d'une réglementation qui interdit l'utilisation de certains ingrédients ou minéraux (comme le calcium) dans les denrées alimentaires transformées biologiques.
 

Pour l'avoir oublié, la société allemande Natumi vient de se faire rappeler à l'ordre par la Cour de Justice de l'Union européenne. Cette entreprise produit des boissons au soja et au riz auxquelles elle ajoute de l’algue rouge corallienne Lithothamnium calcareum, sous forme de poudre obtenue à partir de sédiments nettoyés, broyés et séchés de cette algue. Celle-ci contient principalement du carbonate de calcium et du carbonate de magnésium. « Soja Drink-Calcium », une des boissons commercialisées par Natumi est étiquetée « bio » et porte les mentions : « calcium », « contient une algue marine riche en calcium » et « fournit un apport précieux en calcium issu de l’algue marine Lithothamnium ». Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a engagé une procédure pour faire condamner Natumi à une amende. Il lui reproche d'utiliser du de carbonate de calcium, alors que ce minéral, est interdit pour enrichir en calcium les produits biologiques. Il lui reproche aussi la mention relative au calcium alors qu'elle est interdite sur de tels produits.  Natumi se défend en alléguant que l'ajout de l'algue Lithothamnium calcareum est précisément une alternative naturelle au calcium et que son utilisation pour enrichir les denrées alimentaires biologiques doit être autorisée. Avant de se prononcer, la Cour administrative fédérale allemande devant laquelle a été porté le litige, décide de demander à la Cour de justice d’interpréter le droit de l’Union européenne en la matière. L’utilisation de l’algue Lithothamnium calcareum comme ingrédient dans la transformation des denrées alimentaires biologiques est-elle autorisée par le règlement sur la production biologique et l’étiquetage des produits biologiques (règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007) et son règlement d’application (règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008) ? Si oui, l’utilisation d’algues mortes est-elle également autorisée ? Et enfin, en cas de réponse positive, les termes “contient du calcium”, “contient une algue marine riche en calcium” ou “fournit un apport précieux en calcium issu de l’algue marine Lithothamnium” peuvent-ils être utilisés pour un produit étiqueté “bio” contenant du Lithothamnium calcareum (mort) en tant qu’ingrédient?
 

La Cour de Justice de l’Union Européenne s'est prononcée le 29 avril 2021 (aff.C-815/19, Natumi GmbH/Land Nordrhein-Westfalen).
 

Sa réponse est claire : le droit de l’Union « s’oppose à l’utilisation d’une poudre obtenue à partir de sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum qui sont nettoyés, séchés et broyés, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole…dans la transformation de denrées alimentaires biologiques, telles que des boissons biologiques à base de riz et de soja, aux fins de leur enrichissement en calcium » (dispositif). Dès lors, la dernière question posée par la Cour allemande est sans objet.
 

La Cour rappelle que l’algue Lithothamnium calcareum doit être considérée comme ingrédient non biologique d’origine agricole au sens de l’annexe IX du règlement no 889/2008. Or, l’utilisation d’un ingrédient non biologique d’origine agricole dans les denrées alimentaires biologiques n’est autorisée que sous conditions. Il faut d’une part, qu’il n’existe pas d’autres solutions autorisées et, d’autre part, qu’il soit impossible de produire ou de conserver ces denrées ou de respecter leurs propriétés diététiques sans recourir à ces produits ou à ces substances (point 55). Cette deuxième condition n’est pas remplie, juge la Cour (point 58). Cependant, un petit espoir est laissé à Natumi puisque la CJUE précise qu’il revient à la Cour allemande de vérifier ce point. Il reviendrait donc à l’entreprise de démontrer aux juges que l’algue Lithothamnium calcareum est indispensable pour produire son « Soja Drink-Calcium » et n’altère pas ses qualités diététiques. Mais la suite de l’arrêt de la CJUE n’est guère favorable. Le droit de l’Union européenne prévoit des règles restrictives en ce qui concerne l’adjonction de minéraux, comme le calcium, dans la production de denrées alimentaires biologiques. Et l’annexe VIII du règlement no 889/2008, classe le carbonate de calcium parmi les additifs alimentaires qui ne peuvent être utilisés pour enrichir des produits en calcium. Autoriser l’utilisation que fait Natumi de la poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum (c’est-à-dire pour l’enrichissement en calcium d’une boisson) équivaudrait à permettre de contourner cette interdiction. L’effet serait « de rendre inopérantes les règles strictes relatives à l’adjonction de produits et de substances tels que les minéraux dans la production de denrées alimentaires biologiques établies par la réglementation en cause au principal et irait à l’encontre des objectifs poursuivis par celle-ci » (point 70).
 

D'autres producteurs de boissons biologiques à base de soja, de riz et de céréales que Natumi ont recours à l’algue Lithothamnium calcareum pour les enrichir en calcium. Ils sont sûrement attentifs à l'arrêt de la CJUE et à l'application qui va en être faite.

 

 

 

 

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