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L'AGCS : l'ouverture des marchés de services, jusqu'où ? (2ème partie)

 

L'Offre de l'Union européenne

Dans l'Union Européenne, le secteur des services représente 2/3 du PIB et 2/3 des emplois (110 millions). Par ailleurs, l'Union est le plus important exportateur et importateur de services avec 24% du commerce mondial de services (4). On conçoit, à l'énoncé de ces chiffres qu'elle ait "beaucoup à gagner des négociations ", comme le souligne la Commission, et qu'elle ait intérêt à obtenir l'ouverture la plus large possible de marchés tiers, ce qui, évidemment, implique qu'elle-même en contrepartie fasse des offres d'ouverture conformes aux demandes des pays tiers.

L'offre de l'Union Européenne a été présentée ,par le commissaire chargé du commerce international, Pascal Lamy, qui est le négociateur de l'Union à l'OMC (5). Confrontée à la méfiance exprimée par des organisations non gouvernementales , des associations, des syndicats, des élus politiques, la Commission Européenne s'est efforcée de rassurer en jouant le jeu de la transparence et en publiant sur son site web un résumé des demandes initiales reçues des pays tiers ainsi qu'un résumé de l'offre de l'Union . Puis, elle a décidé de rendre publique celle-ci lors de son dépôt à l'OMC, le 29/04/2003,ce qui constitue de l'aveu même de la Commission, une première dans une négociation.

En réponse aux craintes exprimées, la Commission européenne souligne que le but des négociations en cours n'est pas de remettre en cause les services d'intérêt collectif ni des objectifs tels que l'égalité d'accès et la cohésion sociale et territoriale. L'Union Européenne , assure-t-elle, défendra le " modèle européen notamment en matière de services publics " sans céder aux sirènes de la " libéralisation à tout va ". La Commission rappelle qu'en ce qui concerne les services publics, " tous les Membres de l'OMC ont le choix entre les options suivantes, qui sont toutes parfaitement légitimes: maintenir le statut de monopole, public ou privé, du service; ouvrir la fourniture du service à la concurrence, mais réserver l'accès aux sociétés nationales; ouvrir le service à des fournisseurs nationaux et étrangers, mais sans prendre d'engagements au titre de l'AGCS à son sujet; prendre des engagements au titre de l'AGCS concernant le droit des sociétés étrangères de fournir le service, en plus des fournisseurs nationaux " (6). Et d'ajouter " Ne confondons pas deux débats différents : d'une part celui que nous avons entre nous sur le degré de libéralisation à l'intérieur de l'Union d'un certain nombre de secteurs qui, jusqu'à présent, étaient protégés l'énergie, le transport, la poste et qui concerne la manière dont nous organisons notre société; d'autre part la négociation internationale qui ne porte que sur l'échange des services et non leur organisation " (7).

L'offre de l'Union Européenne exclut donc certains services de la négociation. Il s'agit des :
- services sociaux et de santé (entrent dans cette catégorie les services hospitaliers, autres services de santé humaine, services sociaux et autres services),
- services d'éducation et d'enseignement (secteur qui comprend l'enseignement primaire, secondaire, supérieur, enseignement destiné aux adultes et autres services d'enseignement),
- services audiovisuel et culturel (secteur qui couvre les services de production et de distribution et de projection de films et videos, les services de radio et télévision, de retransmission d'émissions et d'enregistrement sonores).

S'agissant des services audiovisuel et culturels, la Commission " enfonce le clou ", sans doute à l'intention de ceux qui redoutent un " AMI bis " en insistant sur le maintien de toutes les exemptions à la clause de la Nation la Plus Favorisée précédemment énoncées par l'Union européenne, telles que les accords de coproduction et le traitement préférentiel accordé aux productions audiovisuelles originaires de l'Union et d'autres pays européens.

Considérée comme un " sujet sensible " , la question de l'eau fait l'objet de développements particuliers. Bien commun, l'eau ne peut faire l'objet d'une appropriation. Mais l'AGCS permet en revanche l'ouverture aux services de collecte, de purification, de distribution de l'eau et de gestion des eaux usées. Pour ceux-ci, l'Union européenne , n'ayant reçu que très peu demandes d'ouverture, ne présente pas d'engagements.

Quant aux secteurs pour lesquels l'ouverture, plus ou moins étendue, du marché européen est proposée , ils sont les suivants :
-Télécommunications ( secteur qui inclut la transmission de signaux électromagnétiques sons, données, images à l'exclusion de la diffusion) : dans ce secteur, l'Union européenne propose le libre accès au marché intérieur européen, en préservant son droit de définir, par exemple, ses objectifs de service public pour les prestations considérées ;
- Construction et services d'ingénierie connexes (travaux de construction généraux pour le bâtiment, le génie civil, les travaux d'installation et d'assemblage, d'achèvement et de finition des bâtiments) :l'engagement de l'Union porte notamment sur la possibilité pour les entreprises étrangères de s'implanter et de développer leurs activités sur le territoire européen ;
- Distribution (commerce de gros, vente au détail, franchise et agents) ;
- Services financiers (assurance, banques, valeurs mobilières, conseil et information financière) ;
- Services relatifs au tourisme et au voyage (hôtellerie et restauration, traiteurs, agences de voyages de guides et organisateurs touristiques) ;
- Services récréatifs, culturels et sportifs (spectacle, agences de presse, bibliothèques, archives, musées et autres services culturels, services sportifs et récréatifs) ;
- Services informatiques (conseil en matière d'installation des matériels informatiques, services de mise en oeuvre de logiciels, services de traitement de données, de bases de données, services d'entretien et de réparation) : dans ce domaine essentiel à la mise en place de la société de l'information en Europe, l'Union européenne propose l'accès intégral à son marché des prestataires étrangers, y compris d'informaticiens indépendants hautement qualifiés;
- Services aux entreprises (recherche et développement, immobilier, location de véhicules, publicité, études de marché et d'opinion, conseils en gestion, services de placement de main d'oeuvre, imprimerie, édition…) ;
- Services postaux et de courrier (levée, acheminement et distribution des lettres, journaux, brochures et imprimés, colis et paquets, services de guichet des bureaux de poste et autres services postaux) : pour ces services, l'Union européenne veut maintenir les dispositions relatives au service public en vigueur . Son offre confirme l'accès des opérateurs étrangers aux marchés déjà ouverts à la concurrence par la directive 97/67 de 1997 ( colis, services exprès et lettres d'un poids supérieur à 350 grammes) ;
- Services de transport (transport maritime, voies navigables intérieures, aérien, spatial ferroviaire, routier ainsi que les services auxiliaires de tous les modes de transports) : pour le transport aérien, l'offre inclut l'assistance en escale et la gestion des aéroports sous réserve des dispositions relatives au service public.
- Services environnementaux (adduction d'eau, évacuation des eaux usées, services de voirie, d'assainissement, services de purification des gaz brûlés, de réduction du bruit, de protection de la nature et du paysage et " autres services environnementaux ") ;
- Services professionnels (juridiques, de comptabilité, fiscaux, services des bureaux d'architecture, d'ingénierie, d'urbanisme, de paysagisme, services médicaux, dentaires, infirmiers et para-médicaux).

Si la volonté de transparence de la Commission est bien accueillie, les assurances données ne rassurent pas cependant les opposants à l'AGCS.

Suite
 


4 - Commission européenne, communiqué de presse du 28/04/2003

5 - C'est la Commission qui négocie au nom de l'Union européenne à l'OMC sur la base de directives de négociation préparées par elle et arrêtées par le Conseil, donc les états.

6 - Voir aussi : " AGCS,réalité et fiction " , brochure téléchargeable sur le site de l'OMC : www.wto.org

7 - Déclaration du Commissaire Pascal Lamy, le 12 mars 2003, à propos de la résolution du Parlement Européen sur l'AGCS

 

Les PLus

 

Les PLus

 

 

Jurisprudence

 

  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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