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LE DEBAT SUR L'ADHESION DE LA TURQUIE - 3

 

Les considérations géo politiques plaident-elles en faveur de l'adhésion ?

A l'instar de Michel Rocard, en France, les partisans de l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne insistent sur l'intérêt d'ancrer la Turquie dans l'Union afin de créer un pont entre Islam et Occident et de prévenir un conflit de civilisations. Ainsi, l'adhésion serait un gage d'équilibre et de stabilité pour l'Union Européenne.

Mais, a contrario, on peut objecter que la Turquie est aussi confrontée à des conflits qu'il est difficile d'importer au sein de l'Union européenne, qu'il s'agisse du problème kurde ou des tensions avec le voisinage pour le contrôle de l'eau (voir le rapport sur la Turquie présenté au nom de la Délégation de l'Assemblée Nationale française pour l'Union Européenne, le 5/10/2004).

 

L'adhésion ne va-t-elle pas coûter trop cher à l'Union ?

Selon la Commission européenne, le coût de l'adhésion de la Turquie pourrait s'élever à 28 milliards d'euros par an en 2025 (estimation sur la base d'un scénario dans lequel il y aurait une période de transition de dix ans avant que la Turquie ne bénéficie pleinement de l'ensemble des politiques communes). Ce coût peut effrayer, d'autant qu'il faudra du temps avant que le récent élargissement aux dix nouveaux membres puisse être " digéré ". Il serait logique, comme le déclarait le 14 octobre le premier ministre français devant les députés, que l'Union s'emploie à réussir l'intégration de ses nouveaux membres avant de penser à un autre élargissement.

 

Les pays déjà membres de l'Union sont-ils favorables à l'adhésion ?

Les états membres de l'Union Européenne semblent dans l'ensemble favorables à l'adhésion de la Turquie pour autant que les critères de Copenhague soient respectés.

Cela dit, encore faut-il nuancer ce propos.

D'abord, parce que le soutien politique à l'adhésion s'est mué dans certains états en soutien pragmatique à l'ouverture de négociations d'adhésion. Ainsi en France, où, face à une opinion publique défavorable, le gouvernement n'a de cesse de répéter qu'il ne s'agit pas, le 17 décembre, de décider de l'adhésion de la Turquie, mais simplement de l'ouverture de négociations.

Ensuite, des lignes de fracture existent. Au sein des états d'abord, où les principaux partis défendent des positions différentes. Par exemple, en Allemagne, les sociaux démocrates parti au pouvoir, appuient la candidature turque . En revanche, les conservateurs de la CDU y sont hostiles. Or, les conservateurs pourraient bien revenir au pouvoir aux prochaines élections allemandes de 2006. Au sein des états membres, il existe une alliance basée sur la Grande-Bretagne et l'Italie (rejointe par la Grèce et par Chypre depuis peu) qui milite résolument pour l'entrée de la Turquie dans l'Union, à charge pour elle de vaincre les réticences, parfois fortes, de ses partenaires (par exemple l'Autriche). En effet, le soutien à l'ouverture de négociations d'adhésion semble davantage traduire le souci de respecter la parole donnée qu'une conviction.

Autre question posée : les gouvernements tiendront-ils compte des opinions publiques ? En cet automne 2004, elles semblent peu enthousiastes. Les sondages publiés par Eurostat montrent que 16% des français, 26% des allemands, 31% des danois et 33% des Anglais sont favorables à l'ouverture de négociations d'adhésion...

 

L'adhésion de la Turquie menace-t-elle le projet européen ?

Encore faudrait-il savoir quel est ce projet européen, tant il existe de visions différentes de ce que doit être la construction communautaire…

Pour les partisans d'une intégration européenne poussée et d'une Union politique, l'adhésion de la Turquie met fin à tout espoir d'évolution dans ce sens. Seul restera alors le grand marché et la libre circulation des biens et des personnes, avec les risques accrus de délocalisations d'entreprises.

Lors du débat sur l'adhésion de la Turquie qui a eu lieu à l'Assemblée Nationale le 14 octobre 2004, M.Bayrou déclarait: " Nous croyons que l'Union Européenne est une unité politique en construction.. Or l'adhésion de la Turquie est un pas non vers l'unité de l'Europe, mais vers sa dispersion, à tous les points de vue. C'est vrai du point de vue géopolitique. L'adhésion de la Turquie rendrait l'Europe frontalière de la Syrie, de l'Irak et de l'Iran : ce n'est pas l'Europe…Chacun connaît les problèmes brûlants et les drames de cette partie du monde. L'Europe y a son mot à dire. Elle n'y joue pas le rôle qu'elle devrait y jouer. Mais elle ne pourra le faire, comme je l'espère, que si elle est impartiale… Le fossé est aussi large en matière démocratique…La question kurde reste un abcès et un drame de tous les jours. La question arménienne demeure lancinante…La question de Chypre et de l'occupation militaire d'une partie de l'île n'est pas moins lancinante. Et au lieu de pouvoir manifester l'impartialité et la sollicitude qui doivent être les nôtres, nous serions pris dans la solidarité nécessaire entre l'État turc et le gouvernement de l'Union à laquelle il appartiendrait... Croit-on, par exemple, que notre Parlement aurait pu voter la loi de janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien si la Turquie avait été membre de l'Union ? ".

 

L'adhésion de la Turquie va-t-elle bloquer le fonctionnement de l'Union ?

Cette question rejoint la précédente.

Dans de nombreux domaines, la règle du vote du Conseil à l'unanimité a été remplacée par celle de la majorité qualifiée pour diminuer les risques de blocage. La majorité qualifiée est égale à au moins 55 % des membres du Conseil comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union. Une minorité de blocage, correspondant à au moins 35 % de la population, doit réunir au moins quatre Etats membres. Dans ce système, son poids démographique confèrerait à la Turquie une capacité de blocage des décisions. Mais elle ne pourrait l'exercer seule, puisqu'il lui faudrait trouver des alliés pour exercer cette faculté de blocage.

 

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  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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