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Bientôt, l'union bancaire européenne?

 

On constate chaque jour à quel point les banques sont profondément impliquées dans la crise actuelle. Elles en sont des acteurs puisque les investissements risqués auxquels elles ont eu recours par cupidité les ont mises au bord de la faillite, du moins en Europe où l'on n'a pas eu la cruauté ou l'imprudence de les laisser sombrer! Ce qui a été expliqué par le souci de protéger les épargnants (nous tous) dont les bas de laines auraient souffert de déconfitures bancaires et les entreprises qui ont besoin de crédit.

Mais le sauvetage est couteux! Comme le rappelle la Commission européenne, "les États ont été contraints d'injecter des fonds publics dans les banques et de leur accorder des garanties pour un montant sans précédent: entre octobre 2008 et octobre 2011, la Commission européenne a approuvé environ 4 500 milliards d'euros d'aides d'État en faveur des établissements financiers, ce qui équivaut à 37 % du PIB de l'UE". "Si elles ont permis d'éviter des faillites bancaires et une désorganisation économique à grande échelle", explique la Commission, "ces mesures ont pesé sur le contribuable et grevé lourdement les finances publiques, sans régler la question de savoir comment gérer les grandes banques transfrontières en difficulté".

Et la situation actuelle en Espagne montre que le tonneau des danaïdes bancaires continue de fuir.

La question est donc: faut-il que les états continuent à payer pour les inconséquences des banquiers et assurent la rémunération d'actionnaires qui n'auraient pas à se "serrer la ceinture" pour participer au rétablissement des finances de leur société? L'idée ayant de moins en moins bonne presse auprès des contribuables / clients fatigués d'être mis à contribution et les finances publiques étant dans le triste état que l'on sait, il semblerait que l'on redécouvre les mérites de l'idée de responsabilité.

Le 06/06/2012, la Commission européenne a présenté une proposition de directive dont elle explique dans le communiqué de presse du même jour qu'elle contient des mesures nouvelles "pour éviter d'avoir à renflouer les banques à l'avenir". On y lit avec plaisir (espoir? soulagement? ) que "si la situation financière d'une banque devait se détériorer de manière irrémédiable, la proposition prévoit que ses fonctions critiques pourront être préservées, et qu'il reviendra aux propriétaires et aux créanciers de la banque d'assumer les coûts de sa restructuration et de sa résolution, et non au contribuable".

Mais il ne s'agit pas là du seul aspect de la proposition qui a pour but de mettre en place un cadre européen de prévention et de gestion des crises bancaires, ce qui permet de faire "un pas pas important dans la direction d'une union bancaire" dans l'Union européenne. Du moins telle est l'ambition affichée par la Commission. Le cadre doit garantir que les États membres appliqueront des règles communes et prendront des mesures compatibles entre elles en cas de défaillance d’établissements bancaires.

 

Il comporte trois volets:

1 - Un volet préventif : il s'agit de mesures préparatoires et de plans destinés à réduire le risque de survenance de problèmes potentiels

Les règles prévues par la proposition sont tout d'abord que les banques doivent élaborer des plans de redressement décrivant les mesures qu'elles prendront en cas de dégradation de leur situation financière, afin de rétablir leur viabilité.

De leur côté les autorités désignées par les états pour traiter les procédures d'insolvabilité des banques doivent définir des plans de résolution, avec des options pour gérer des banques qui sont dans une situation critique et ne peuvent plus être sauvées. Si à cette occasion elles constatent que la structure juridique ou le fonctionnement d'un établissement est un obstacle à la solution des problèmes, elles peuvent contraindre la banque à modifier cette structure.

Dans le cas partioculier des groupes, ceux-ci peuvent conclure des accords de soutien financier intragroupe pour enrayer le développement d'une crise et rétablir rapidement la stabilité financière du groupe dans son ensemble, sous la supervision des autorités de surveillance et des actionnaires de chacune des parties à l'accord.

2 - Un volet d'intervention précoce: si des problèmes se font jour dans un établissement, il faut pouvoir arrêter précocement la détérioration de sa situation, de manière à éviter son insolvabilité

Ce sera la tâche des autorités de surveillance nationales qui pourront intervenir à partir du moment où un établissement ne respecte plus ses exigences de fonds propres ou risque de ne plus les respecter. Elles pourront exiger de l'établissement qu'il engage les mesures prévues par son plan de redressement et imposer la tenue d'une assemblée générale des actionnaires afin d'adopter des décisions urgentes, et obliger l'établissement à élaborer un plan de restructuration de sa dette avec ses créanciers. De plus, lorsque la situation financière est particulièrement dégradée et que les mesures prévues par les plans de redressement ne suffisent pas, les autorités de surveillance pourront désigner un administrateur spécial mandaté pour une durée limitée afin d'assainir la situation financière.

3 - Un volet "résolution": si l’insolvabilité d’un établissement est un sujet de préoccupation au regard de l’intérêt général (notion définie dans la proposition), il faut le réorganiser ou le liquider d’une manière ordonnée tout en préservant ses fonctions les plus cruciales et en limitant autant que possible l’exposition du contribuable aux pertes en cas d’insolvabilité.

Le volet "résolution" met en place des procédures d'insolvabilité particulières pour les établissements bancaires, c'est à dire dérogatoires à la procédure "de droit commun" applicable aux autres entreprises. La raison en est que la liquidation d'une banque peut avoir des conséquences plus graves que la cessation d'activités d'autres entreprises du fait du rôle du secteur bancaire dans l'économie et des risques que peut faire courir une défaillance bancaire pour la stabilité financière, la prestation de services essentiels (ex: crédit) ou la protection des déposants.

La procédure de résolution permettra aux autorités nationales compétentes de prendre le contrôle de la banque en difficulté en cas d'échec des mesures de prévention et d'intervention précoce. Mais elle ne devra être appliquée que si la banque est sur le point de déposer le bilan. Les mesures concrètes à prendre ne devront pas être prédéterminées mais être également prises sur la base de la situation concrète.

Le cadre défini au niveau européen doit à la fois prévoir des règles assurant qu'il y ait une convergence dans les régimes de résolution appliqués par les autorités nationales compétentes, qu'il s'agisse des instruments (vente totale ou partielle de la banque, établissement-relais, séparation des actifs, renflouement interne), des principes ou des procédures, et respecter la marge d'appréciation des autorités nationales pour tenir compte des spécificités de chaque cas.

Pour assurer l'application cohérente des procédures, la Commission propose que l'Autorité bancaire européenne (ABE) soit chargée de définir des orientations et des normes techniques, qu'elle participe à la planification des mesures de résolution lorsque des établissements transfrontaliers sont en cause et qu'elle exerce une fonction de médiation contraignante entre les autorités nationales s'il y a des divergences sur l’application du cadre.

La remise à flot, si elle est possible, de l'établissement soumis à une procédure de résolution devra être assurée par des apports de fonds fournis par le secteur bancaire lui-même, "dans la mesure du possible (compte tenu du coût économique), par anticipation" autrement dit par la création de fonds de garantie mutuelle. La contribution des banques à ces fonds de résolution sera établie au prorata de leurs passifs et en fonction de leurs profils de risque. Le montant de ces fonds devra atteindre 1 % des dépôts couverts dans un délai de 10 ans. La charge du financement sera ainsi déplacée des contribuables aux banques elles-mêmes (avec la probabilité que celles-ci récupèrent une partie des coûts en augmentant les frais des prestations à leurs clients).

Et les établissements transfrontaliers?

Pour les groupes constitués de différents établissements situés dans plusieurs états membres de l'Union européenne, la proposition prévoit des règles particulières qu'il s'agisse de la prévention, de l’intervention précoce ou de la résolution. De même, des règles spécifiques régissent le transfert d’actifs entre les entités affiliées à un groupe en période de difficultés financières.

L'idée est d'aller vite pour éviter une agravation de la situation alors que les implications, du fait du caractère transfrontalier du groupe, affectent directement le marché unique, et de coordonner l'action des différentes autorités nationales compétentes pour la résolution en reconnaissant un rôle plus important à l'autorité au niveau du groupe et en recourrant comme on l'a vu à la médiation contraignante de l'ABE.

Une union bancaire européenne?

Ce n'est pas encore fait! On l'a vu, la directive fait la part belle aux procédures nationales de surveillance et de résolution des problèmes. Mais les voies d'une évolution sont ouvertes, notamment grâce au rôle joué par l'ABE. En l'imposant comme instance de coopération entre les autrités nationales de surveillance, en lui conférant une fonction de médiation contraignante en cas de conflit opposant certaines de celles-ci, la directive prépare une supervision de plus en plus européenne. L'exposé des motifs de la proposition de directive présentée le 06 juin est d'ailleurs clair sur les intentions de la Commission rappelant que celle-ci "allait enclencher un processus destiné à «définir les principales étapes vers une Union économique et monétaire complète [incluant],notamment, l’évolution vers une union bancaire». Selon la Commission, l'union bancaire reposerait sur quatre piliers: un système européen unique de garantie des dépôts applicable à toutes les banques de l'Union européenne, une autorité européenne chargé de la résolution et un fond de résolution européen couvrant, au moins, les banques transfrontalières et les risques systémiques pour le marché intérieur, une autorité de surpervision européenne avec des pouvoirs de décision en dernier ressort couvrant les banques transfrontalières et les risques systémiques affectant l'Union européenne, un corps unique de règles de surveillance prudentielle applicable à toutes les banques de l'UE (1).

Dans ce cadre, un groupe d'experts a été mis en place. Il est chargé de faire rapport à la Commission au cours du second semestre de 2012 pour lui indiquer s'il faut aller plus loin que les réformes de la régulation en cours et engager des réformes structurelles du secteur bancaire européen (par exemple: séparation des métiers bancaires entre banque de détail et banque d'investissement ) (2).

 

11/06/20

Actualisation le 29/06/2012

Le Conseil de la zone euro a annoncé le 29/06/2012 qu'un accord avait été trouvé pour créer l'union bancaire

Pour plus d'informations, voir l'article: Décisions du Conseil de la zone euro du 29 juin 2012

 


1 - European Commission: "Bank recovery and resolution proposal: Frequently Asked Questions", Memo, Brussels, 6 June 2012

2 - Michel Barnier, commissaire chargé du Marché intérieur et des Services : Vers une réforme de la structure du secteur bancaire européen ? Débat organisé au Parlement européen, Bruxelles, le 25 mai 2012

 

Proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d'établissements de crédit et d'entreprises d'investissement, COM(2012)280

Proposition de directive

( Ce texte constitue un outil de documentation n'engageant pas la responsabilité des institutions européennes. Seule fait foi la législation européenne qui est publiée dans les éditions papier du Journal Officiel de l'Union Européenne).

 

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