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Adoption de la directive services amendée

 

La célèbre directive sur les services dans le marché intérieur achève son parcours législatif chaotique grâce à la  résolution que vient de voter le Parlement européen en deuxième lecture (1), résolution  dans laquelle il approuve la position commune précédemment votée par le Conseil des ministres de l'Union européenne(2).

 

La directive est désormais adoptée  puisqu’elle va à présent revenir sur la table du Conseil pour adoption formelle, ce qui mettra fin à la procédure de codécision (3) car on imagine mal le  Conseil s’opposer au Parlement, la résolution reprenant la position commune votée par le Conseil (à l’exception de trois amendements de nature technique qui ne devraient pas rencontrer d’obstacles). Après la publication de la directive au journal officiel, les états auront trois ans pour la transposer en droit interne.

 

A voir le relatif désintérêt que suscite l’annonce de ce vote, on oublierait presque que ce texte fut une des causes du rejet par les français du traité constitutionnel européen avec lequel il n’avait pourtant rien à voir.

 

Donc, c’est dans une absence de passion qui contraste avec le climat de l’an dernier que les eurodéputés ont donné le feu vert à une directive services il est vrai très expurgée, ceci expliquant cela. Lors du passage devant le Parlement européen  en février dernier, celui-ci avait en effet soigneusement amendé la proposition promue par l’impopulaire M.Bolkestein en la délestant de tous les dispositions qui posaient problème, en particulier celles qui avaient été interprétées  comme une menace pour les droits des travailleurs. A la suite de quoi, la Commission européenne avait revu sa copie pour tenir compte des amendements parlementaires et présenté une nouvelle proposition au Conseil qui avait servi de base à la position commune votée en juillet.

 

Au final :

  • - Le controversé « principe du pays d’origine » disparaît du texte. Cette disposition avait été interprétée, de manière souvent biaisée, comme donnant aux entreprises étrangères la faculté de travailler dans un autre pays en restant soumises aux lois de leur propre pays, et notamment en matière de salaires et de conditions de travail, ce qui avait suscité une telle polémique qu’il apparaissait plus sage de la retirer. Toujours dans le but de rassurer ceux qui craignent un dumping social, la directive précise à son article 1 que ses dispositions ne concernent pas  le droit du travail.
  • La liste des secteurs concernés par la libéralisation est plus réduite qu’elle ne l’était dans la proposition initiale. Ainsi certaines activités supplémentaires ont-elles été explicitement exclues du champ d’application comme certains services sociaux  lorsqu'ils sont assurés par l'Etat ou des prestataires mandatés par l'Etat (logement social, aide aux personnes en besoin, aide à l'enfance),  ou encore les services de soins de santé, « qu'ils soient ou non assurés dans le cadre d'établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée » (article 4).
  • - La prestation de services dans un autre pays est facilitée grâce à l’élimination d’obstacles administratifs. La directive prévoit, par exemple, l’institution d’un « guichet unique » qui permettra au prestataire étranger de remplir les formalités nécessaires au lieu d’avoir à traiter avec différentes administrations. Les restrictions discriminatoires c’est-à-dire préjudiciant uniquement les prestataires étrangers seront interdites (par exemple conditions fondées sur la nationalité ou la résidence).

 

Avec l’adoption de cette directive c’est la proposition « Bolkestein » qui part aux oubliettes. Ce qui ne signifie pas pour autant que toutes les ambiguïtés aient été levées sur sa portée réelle.

 

Et c’est pourquoi une proposition de rejet de la position commune avait été déposée par les Verts et la gauche unitaire européenne (GUE, gauche communiste). Ils dénonçaient  les modifications apportées par le Conseil au texte voté par le Parlement en première lecture le 16 février 2006 (4) sur trois points plus précisément.

  • - Le texte voté par le Parlement européen prévoyait que le contrôle de l’entreprise prestataire soit essentiellement  assuré par l’état d’accueil (article 36). La position commune du Conseil supprime cette disposition et redonne au pays d’origine un rôle majeur dans ce contrôle ce qui risque de le rendre moins efficace du fait de l’éloignement physique.
  • - Si le droit du travail ne doit pas être affecté par l’application de la directive, la formulation de ce principe dans la position commune est beaucoup moins précise qu’elle ne l’était dans le texte issu du vote en première lecture (article 1). D’où l’avertissement lancé par la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a annoncé que les syndicats  « surveilleront la bonne mise en œuvre » de la directive (5).
  • - Enfin, l’exclusion du champ d’application de la directive  des « services d’intérêt général tels que définis par les états membres » (article 2) fait place, dans la position commune du Conseil, à une formulation plus réductrice puisque seule est évoquée l’exclusion des « services  d’intérêt général non économiques » ce qui, en l’absence d’une directive sur le statut des services publics au niveau européen, laisse à la Commission et à la Cour de Justice des Communautés Européennes le soin de définir ce qu’est un service d’intérêt général non économique .

 

Mais la proposition des Verts et de la Gauche Unitaire Européenne n’a recueilli que 105 voix (dont celles du Front national et de la majorité des socialistes français) contre 405 et 12 abstentions. Les députés européens ont en effet  préféré se rallier à la position commune, estimant qu’en dépit des modifications apportées par le Conseil, elle était pour l’essentiel conforme au texte voté en première lecture.

       

17/11/2006

 


1- Résolution législative du Parlement européen relative à la position commune du Conseil en vue de l'adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, Strasbourg, 15/11/2006

2- Voir ce texte dans la page d'accueil du dossier sur la directive services

3- Voir sur ce site l'explication de la procédure de codécision

4- Voir ce texte dans la page d'accueil du dossier sur la directive services

5- CES "La modification en profondeur de la directive sur les services est un succès mais la CES poursuivra son action afin d’améliorer certains domaines", communiqué du 15/11/2006, site CES

 

 

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