Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Le casse tête du Brexit, 2

 

Première question : le Royaume-Uni va-t-il notifier son retrait de l’Union ?

On voit mal comment le gouvernement britannique pourrait ignorer le résultat clair du referendum du 23 juin 2016 et peu importe que ce résultat ait été obtenu au terme d’une campagne mensongère des partisans du brexit qui, évidemment, pose bien des questions sur cette démocratie qui fait triompher les démagogues et les menteurs.

Dans la grande sidération qui a suivi le résultat du referendum, on a vu fleurir des initiatives pour revenir sur son résultat. Des marches ont été organisées par les anti-brexit pour déclarer leur amour à l’Union (un spectacle aussi stupéfiant qu’une apparition du chat de Chester).
 

Et, sur internet, une pétition a réuni plus de 4 millions de signatures de personnes demandant que le vote du 23 juin soit considéré comme un vote consultatif et que la décision revienne au Parlement, avec l’espoir que celui-ci se prononce en faveur du maintien dans l’Union européenne (plus exactement la pétition invite le gouvernement « à adopter une règle selon laquelle un nouveau référendum doit être organisé si le vote en faveur du maintien ou de la sortie n'atteint pas 60 % et que la participation est inférieure à 75 % ». Pour la petite histoire et pour rire un peu, il faut rappeler que cette pétition avait été lancée avant le referendum par un partisan du brexit qui craignait que le referendum ne le donne perdant. Depuis, le malheureux passe son temps à se justifier auprès de pro-brexit en expliquant que, non, il n’est pas un traitre à la cause).

La pétition ayant été contestée, il s’est aussi trouvé des avocats pour annoncer un recours afin d’obtenir un vote parlementaire avant que la procédure de retrait de l’Union ne soit engagée.

Bref, la confusion régnait et règne toujours.

Et à en croire certains medias qui se demandaient si le brexit aurait finalement lieu, on pouvait imaginer les britanniques votant une deuxième fois voire une troisième pour la « belle » en cas de résultats contradictoires aux deux précédents referendums. Assez bizarre tout de même, non?.

Quant à l’hypothèse qu’il soit passé outre le résultat du referendum, elle reposait sur un argument ou une argutie juridique, disent certains,  affirmant que le vote du référendum n'est pas juridiquement contraignant en lui-même, s’agissant d’un referendum consultatif, et que le Parlement britannique doit autoriser le Gouvernement à demander le retrait de l’Union, sans quoi la démarche est illégale.

Une analyse qui a été récusée par les juristes du Gouvernement britannique. Consultés sur cette question pour mettre fin à l’offensive des anti-brexit, ils estiment que la procédure conduisant à la sortie de l’Union peut être lancée par le Premier Ministre sans l’intervention du Parlement

A la suite de cet avis, le Gouvernement britannique a répondu aux signataires de la pétition qu'il n'y aurait pas de second vote : "Comme le Premier ministre l'a dit clairement dans sa déclaration devant la chambre des Communes le 27 juin, le référendum a été l'exercice démocratique le plus important de l'histoire britannique avec plus de 33 millions de personnes qui se sont prononcées… Le Premier ministre et le gouvernement ont dit clairement qu'il s'agissait d'un vote unique pour une génération et (..) que la décision devait être respectée. Nous devons maintenant préparer le processus de sortie de l'UE ».

Le 13 juillet, Theresa May, a été désignée par le parti conservateur au pouvoir pour être la nouvelle Premier Ministre en remplacement de David Cameron démissionnaire. Le nouveau Gouvernement a été mis en place dans la foulée.

Tout est prêt pour entamer la procédure de sortie de l‘UE.

 

Deuxième question : quand le Royaume-Uni va-t-il notifier son retrait ?

 

Il faut à présent que Theresa May notifie aux autres états membres la décision du Royaume-Uni de se retirer de l’UE.

C’est donc le Royaume-Uni et plus précisément sa Première Ministre qui doit prendre l’initiative de notifier la décision de retrait. L’UE et ses états membres doivent attendre cette notification pour commencer la procédure. Donc, le Royaume-Uni seul est maitre du calendrier.

Et c’est là que s’est posé un premier problème. Car M.Cameron, à l’origine de toute cette pagaïe par calcul politicien n’a pas eu le courage d’assumer la responsabilité de la situation qu’il a contribué à créer. Il a préféré annoncer sa démission en laissant à son successeur le soin de se débrouiller pour régler la crise ouverte, une réaction apparemment répandue chez les politiciens anglais puisque Boris Johnson et Nigel Farage, meneurs du camp du brexit, se sont également piteusement défaussés quand il s’est agi de se mettre au service de leurs concitoyens, ce qui leur a valu des quolibets et des qualificatifs aussi flatteurs que : lâches, menteurs, traitres, pour ne citer que les plus polis.

Comme la nomination du nouveau Premier Ministre n’était prévue à l’origine que pour septembre au plus tôt, l’Union européenne s’est impatientée et a fait pression, par la voix de ses institutions, et de différents chefs d’état pour demander aux anglais de hâter le processus. Il faut dire que le tempo européen est perturbé depuis plusieurs années par les péripéties de la politique britannique interne et que les états d’âme de nos voisins, tiraillés entre l’envie de vivre librement leur rêve de grandeur et les avantages de rester membres de l’UE, ont fini par lasser la pourtant très patiente Europe communautaire. Est-ce le résultat de cette pression ou la nécessité de sortir le Royaume-Uni de l’incertitude dans lequel il était plongé et qui affolait l’âme sensible des financiers, toujours est-il que le parti conservateur s’est résolu à bousculer son emploi de temps et à avancer la désignation du nouveau Premier Ministre. Mais Theresa May ne semble pas plus pressée que son prédécesseur d’engager la procédure de sortie de l’Union même si elle a affirmé sa volonté de tenir compte du vote du 23 juin et a nommé un « Monsieur brexit » dans son Gouvernement, chargé de négocier le départ du Royaume-Uni dans les meilleures conditions (pour lui, cela va sans dire) et d’ « accompagner » le peu recommandable Boris Johnson revenu de façon inattendue sous les feux de la rampe en tant que ministre des affaires étrangères. Comme cet individu, entre autres "dérapages", a fait le parallèle entre le projet d’intégration européenne et celui de Hitler, sa désignation à un ministère qui le met en première ligne pour les négociations internationales et en particulier avec l’UE n’annonce pas des discussions sereines.

Mais pourraient-elles l’être de toute façon alors que les deux parties poursuivent des intérêts différents ? Pour le Royaume-Uni, non seulement limiter les dégâts du brexit, mais conserver les avantages des relations avec l’UE sans en avoir les inconvénients. Pour l’Union, en finir au plus vite avec une situation délétère, afin de pouvoir se consacrer aux autres problèmes qui minent sa cohésion, tout en ne cédant pas aux exigences des britanniques qui remettraient en cause l’intégration européenne. Pour les deux parties, divorcer dans les meilleurs termes sans trop de dommages. Mais il y aura un prix à payer. Les britanniques souhaitent donc engager des discussions avant de soumettre leur demande de retrait pour connaitre le statut qui sera le leur une fois la sortie actée, le prix à payer. Les européens, eux, ne veulent pas que les britanniques tergiversent et cherchent à gagner du temps dans l’espoir de creuser les divergences entre états membres pour obtenir gain de cause. Le 29 juin 2016, le Conseil européen s’est réuni à 27 pour s’accorder sur une position unitaire. Dans la déclaration publiée à l’issue de cette réunion, les 27 pressent le Royaume-Uni d'activer "aussi rapidement que possible" la clause de sortie de l'UE et affirment qu'ils n'engageront "aucune sorte de négociation", de pourparlers formels ou informels, sans ce préalable. Le 13 juillet, devant les membres de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, l’ambassadeur d’Allemagne assure : « Sans doute existe-t-il des incertitudes en matière financière et économique, mais c’est aux Britanniques, et non aux Européens, de supporter les conséquences de leur choix ». Rien ne sera donc discuté avant la remise de la décision de retrait par le Royaume-Uni quelque soit le contexte.

 

Troisième question : comment le Royaume-Uni va-t-il notifier le retrait ?

Une autre raison à l’attentisme de la Première ministre britannique est certainement l’existence de différents recours formés par des citoyens contre l’activation de l’article 50 telle qu’elle est envisagée par le Gouvernement, c’est-à-dire, comme on l’a vu, sans intervention du Parlement britannique. Le premier de ces recours a déjà fait l’objet, le 19 juillet, d’un examen par la High Court qui l’a estimé recevable et a renvoyé l’audience à octobre 2016.  Les juristes du gouvernement ont à cette occasion confirmé au juge que Theresa May n’activera pas l’article 50 avant fin 2016. Si l’on précise que la décision de la High Court peut faire l’objet d’un appel par la partie perdante devant la Cour suprême, on voit que cela laisse plusieurs mois au gouvernement britannique pour déclencher la procédure de retrait. Et, s’il advenait que le recours soit jugé fondé, ce délai s’allongerait encore puisqu’il faudrait que le Parlement se prononce à son tour sur le brexit. Les juristes britanniques interrogés par les medias ou s’exprimant dans leurs blogs, sont à peu près d’accord pour considérer que cette hypothèse est peu probable et pour estimer que les recours seront rejetés. Mais il en est aussi, moins nombreux, pour défendre la thèse contraire.

Et on n’ose pas imaginer ce qui pourrait se passer si le Parlement était appelé à voter et se prononçait, lui, en faveur du maintien dans l’Union. La prudence de madame May se comprend.


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