Les lobbies au grand jour : refonte du règlement intérieur du Parlement européen pour plus de transparence
Ils n’aiment pas beaucoup la lumière, leur travail s’effectue dans les coulisses à l’abri des regards. Mais leur influence inquiète et la démocratie moderne, friande de transparence, tolère de moins en moins le caractère trop discret des lobbies.
Récemment, le 31 janvier 2019, le Parlement européen a modifié son règlement intérieur, et adopté à cette occasion des dispositions pour, précisément, faire la transparence sur les relations entre parlementaires et lobbyistes. Le Parlement avait déjà été le premier à se doter d’un registre des lobbyistes. Les modifications au règlement intérieur prévoient que les députés qui jouent un rôle clé dans le processus d’adoption d’une législation (les rapporteurs du texte, les rapporteurs fictifs et les présidents de commission parlementaire) devront publier en ligne, pour chaque rapport préparatoire à une nouvelle législation, toutes les réunions prévues avec les représentants d'intérêts inscrits au registre de transparence. Les autres députés devraient également publier en ligne toute réunion qu’ils tiennent avec des représentants d’intérêts mais il ne s’agit pour eux que d’une incitation à le faire. Enfin, le site internet du Parlement sera adapté pour que les députés puissent publier des informations sur la manière dont ils utilisent l'indemnité de frais généraux.
Ces nouvelles obligations résultent d'amendements du groupe parlementaire des Verts-ALE. L'obligation de publier les rencontres avec des lobbyistes a été votée après un débat rude entre les groupes. Si elle ne posait pas vraiment de problème pour les pays du Nord de l'UE, en revanche, elle n'était pas bien vue en France...ni en Allemagne dont le secteur industriel et productif est puissant. Le groupe PPE (où siègent notamment les élus de la droite allemande) était particulièrement opposé à cette mesure et est allé jusqu'à demander un vote secret sur l'amendement pour que l'on ne puisse pas savoir qui a voté contre (ce qui est un paradoxe pour un vote sur une question de transparence). Dans une déclaration suivant le vote, Pascal Durand, Vice-Président du groupe Verts-Ale, Porte-Parole sur les questions de transparence, a salué « une victoire littéralement arrachée à la droite et au PPE qui non seulement était favorable au maintien de l’opacité, mais s’est déshonoré en demandant un vote secret sur la transparence des rendez-vous avec les lobbies. Une première dans l’histoire de cette mandature ! ».
Le vote du Parlement est un grand pas, non seulement parce qu'il rend publique une information précieuse sur les influences qui se sont exercées lors de l'élaboration d'une loi, mais aussi parce qu'il favorise une réforme plus large actuellement en négociation entre la Commission européenne, le parlement et le Conseil, pour rendre obligatoire l'inscription au registre de transparence des groupes d'intérêt. Comme l'a expliqué la commissaire européenne, Věra Jourová, l'objectif est d'établir une conditionnalité générale: l'inscription sur le registre deviendrait obligatoire pour que des groupes d'intérêts puissent faire valoir leurs idées et propositions auprès de toutes les institutions européennes ( intervention lors du débat du 30 janvier 2019 au Parlement européen, video, 7:00, et suivantes ).
Des données accessibles pour permettre le contrôle citoyen sur le processus de prise de décision publique : un moyen de rétablir la confiance dans un fonctionnement démocratique contesté.
Addendum :
Les dispositions sur la transparence ne sont pas les seules modifications notables : le nouveau règlement intérieur prévoit notamment des normes de conduite les députés doivent s'abstenir de tout ‘‘comportement déplacé’’ (par exemple le déploiement de banderoles en séance plénière), de tout ‘‘langage offensant’’ (diffamation, discours de haine ou incitation à la discrimination) et de tout harcèlement psychologique ou sexuel. Le code de conduite du Parlement sera désormais annexé au règlement et les députés devront s'engager à le respecter dans une déclaration écrite sous peine de se voir interdire d'occuper une fonction de haut niveau.