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Droit communautaire et droit national (VIII)

 

 Le juge français et le droit communautaire : principe de coopération  

 

Après avoir expliqué comment une loi interne contraire au droit communautaire doit être écartée, il reste à savoir ce qu’il advient si une juridiction rend un arrêt en contradiction avec ce droit.

En principe, comme on l’a vu, le système du renvoi préjudiciel permet d’éviter une telle situation puisque le juge national renvoie à la Cour de justice des Communautés européennes toute difficulté d’interprétation d’une règle communautaire si cette interprétation est douteuse alors qu’elle conditionne l’issue du litige porté devant lui. Par exemple : est-ce que le principe de libre circulation des marchandises et les règles communautaires en matière d’appellation d’origine s’opposent à ce que les autorités françaises empêchent un importateur de fromage autrichien de le commercialiser en France sous prétexte qu’il porte la mention « de montagne » et contient de l’amidon ? (la réponse est oui, pour ceux que cela intéresse : le cas s’est produit) . En cas de doute, le juge renvoie à la Cour. S’il s’agit d’une juridiction suprême dont les décisions ne sont plus susceptibles de recours, ce renvoi est une obligation, sauf si le juge considère que la réponse à la question ne soulève pas difficulté d’interprétation et statue. Si la décision qu’il prend alors est contraire au droit communautaire, pourra-t-elle être annulée ? Oui, serait-on tenté de dire si l’on se réfère au principe de coopération découlant de l’article 10 du traité de la Communauté européenne. Selon cet article : « Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission. Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité ».

Si une décision juridictionnelle viole le droit communautaire, on pourrait donc supposer qu’elle doive être réformée par une autre juridiction en vertu de cet article… Mais ce n'est pas si simple...car il existe un autre principe, celui qui s’oppose à ce que l’on remette en cause une décision juridictionnelle contre laquelle il n’y a plus de recours possible. C’est ce que vient de confirmer la Cour de Justice des Communautés européennes dans un arrêt récent ( CJCE, 16 mars 2006, aff.C-234/04Mme Rosmarie Kapferer c/ Schlank &Schick GmbH) : « il y a lieu de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus par ces recours ne puissent plus être remises en cause ». Par conséquent, « le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit communautaire par la décision en cause ». Conclusion : l’autorité de la chose jugée en droit interne prévaut sur le respect du droit communautaire en vertu de cet arrêt de la Cour des Communautés européennes.

08.05.2006

 

 

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