Pacte sur la migration et l’asile de l'Union européenne: retours facilités et solidarité à la carte
En juillet dernier, à l’occasion de la prise en charges d’enfants migrants non accompagnés, le commissaire européen Margaritis Schinas déclarait au sujet de l’accueil des migrants : « Aucun État membre ne devrait rester seul face à une responsabilité disproportionnée. L'objectif du nouveau pacte sur la migration et l'asile que nous présenterons bientôt sera de garantir une solidarité permanente.» La législation actuelle (règlement (UE) no 604/2013- règlement Dublin III) établit les critères désignant le pays de l’UE responsable de l’enregistrement de la personne qui fait une demande d’asile. Parmi ces critères, figure celui du lieu d’entrée sur le territoire européen (articles 12 et 13 du règlement). Dans la pratique, ce critère est celui qui est le plus fréquemment utilisé. Il en résulte que les pays membres les plus sollicités sont ceux ayant une frontière avec des pays tiers.
La crise migratoire de 2015 a mis en lumière les insuffisances du règlement, comme le reconnaissait la Commission européenne dans la présentation d’une première proposition de révision du règlement, en 2016 : « Le système de Dublin actuellement en vigueur n’a pas été conçu pour assurer un partage durable des responsabilités envers les demandeurs d’asile dans l’ensemble de l’Union. Il en a résulté des situations dans lesquelles un petit nombre d’États membres ont dû prendre en charge la grande majorité des demandeurs d’asile arrivant dans l’Union, ce qui met les capacités de leurs régimes d’asile sous pression et conduit parfois à négliger les règles de l’Union. De plus, l’efficacité du système de Dublin est compromise par un ensemble de règles complexes et contestables en matière de détermination de la responsabilité ainsi que par des procédures interminables. » (Commission européenne, Proposition de règlement du Parlement et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, COM (2016) 270 final du 4 mai 2016).
Annoncée depuis longtemps, la réforme de la politique migratoire de l'Union européenne a fait l’objet d’une nouvelle proposition de « pacte sur la migration et l’asile » présentée le 23 septembre 2020 par la Commission européenne.
Les grandes orientations de la réforme proposée sont les suivantes :
Renforcement des procédures
Elles comprendront un filtrage préalable à l'entrée et l'identification de toutes les personnes qui franchissent sans autorisation les frontières extérieures de l'UE ou qui ont été débarquées après une opération de recherche et de sauvetage, des contrôles sanitaires et de sécurité, le relevé des empreintes digitales et l'enregistrement dans la base de données Eurodac. À l'issue de cette étape, les personnes seront orientées vers la procédure appropriée : soit la procédure, rapide, d’asile à la frontière pour certaines catégories de demandeurs (ceux dont la demande d’asile a peu de chances d’aboutir, par exemple parce qu’ils viennent d’un pays considéré comme sûr), soit la procédure d'asile ordinaire.
Détermination des responsabilités des états pour plus de solidarité
La solidarité pourra s’exprimer par des « contributions flexibles » selon les termes de la Commission. En clair, il n’y aura pas a priori de quotas de migrants à accueillir par Etat membre. Ces contributions pourront consister dans l’accueil d’un certain nombre de demandeurs d’asile relocalisés depuis l’État membre en difficulté (le pays de destination recevra un financement de l’UE). Mais elles pourront aussi prendre la forme d’une prise en charge du retour des personnes qui ne jouissent pas d'un droit de séjour (retours parrainés), ou de toute autre forme de soutien opérationnel. En période de tension migratoire importante et de pression exercée sur l'un ou l'autre État membre, chaque pays de l’UE devra contribuer pour soutenir ses partenaires sous pression et permettre que l’Union remplisse ses obligations humanitaires.
Si les engagements pris par les Etats sont inférieurs de plus de 30 % au nombre total de relocalisations ou de retours parrainés nécessaires, les États membres qui n’ont pas pris d'engagement prendront en charge au moins la moitié de leur juste contribution (sous la forme de relocalisations ou de parrainage des retours). La Commission pourra adopter un acte juridiquement contraignant.
Dans le cas particulier des personnes secourues lors de sauvetages en mer, la Commission rappelle que la recherche et le sauvetage en mer des migrants sont une « obligation légale » et « un devoir moral » pour les pays membres côtiers, mais que « c’est l’UE dans son ensemble qui est responsable de la gestion de la migration en Europe. » C’est pourquoi, la Commission constituera une réserve d'engagements pris par les États membres en fonction d’une projection annuelle des besoins. Si ces engagements sont insuffisants (moins de 30% des besoins), la Commission convoquera un forum de haut niveau sur la solidarité et si celui-ci échoue, elle pourra prendre des mesures correctives contraignantes.
La coopération avec les pays tiers
Il s'agit d'un axe du pacte afin de lutter contre le trafic de migrants, développer des voies légales d'accès et appliquer effectivement des accords de réadmission.
Les retours privilégiés
L’accent sera mis sur les retours en modifiant les règles applicables en la matière, et les moyens opérationnels (corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, nouveau coordinateur de l'UE chargé des retours, réseau de représentants nationaux, pour garantir la cohérence des mesures dans toute l'Union). Les politiques nationales et communautaire de migration feront l’objet d’une planification pour qu’elles soient harmonisées, et d'un suivi renforcé de la gestion de la migration sur le terrain « pour consolider la confiance mutuelle ».
Malgré les intentions louables qui avaient été proclamées, on constate que l’idée de solidarité européenne ne prend pas exactement la forme d’un partage entre les pays membres de l’accueil des migrants et que la Commission européenne a du contourner l’opposition probable des pays hostiles à l’accueil de migrants en proposant des alternatives. Ainsi certains états pourront-ils s’abstenir d’ouvrir leurs portes à des migrants en mettant la main au portefeuille pour « parrainer » (joli terme pour une triste réalité) des retours. Une division des tâches habile destinée à éviter un choc frontal avec la Hongrie et la Pologne, en particulier, et faciliter les négociations.
La coopération avec les pays d’origine suscite également bien des questions : l’immigration durera tant que les pays d’origine n’offriront pas des conditions de vie meilleures à leurs populations, ce qui pose le problème, toujours non résolu, de l’aide et de l’efficacité de cette aide à ces pays.
Sources
New Pact on Migration and Asylum: Questions and Answers
Migration and Asylum Package
Site de la Commission européenne présentant le pacte