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Réforme des règles sur le transport routier dans l’Union européenne



Des routiers mieux protégés, une concurrence moins faussée, des routes plus sûres : a priori les règles révisées concernant le transport de marchandises adoptées par le Parlement européen le 9 juillet 2020 devraient faire l’unanimité en leur faveur. Ce n’est pas le cas : les pays de l’est de l’UE les contestent car elles remettent en cause l’avantage concurrentiel dont bénéficient leurs entreprises par rapport à celles des pays de l’ouest.  

 

Un nouveau cadre juridique

Les trois textes qui constituent le nouveau « paquet mobilité » modifient les règles concernant le détachement des travailleurs, les conditions de travail et le contrôle du respect de ces règles.

 

1 - Application des conditions de rémunération des travailleurs détachés aux transporteurs routiers

Les directives qui régissent le détachement de travailleurs dans l’Union européenne (directive 96/71/CE et sa directive d’application 2014/67/UE) prévoient que les travailleurs détachés doivent jouir des mêmes droits que les travailleurs du pays où s’effectue le détachement, notamment l’égalité de salaire. Mais le secteur du transport routier n’entrait pas dans le champ d’application de ces directives. Le nouveau texte voté par le Parlement européen a pour but de rendre applicables les règles du détachement aux conducteurs routiers afin de leur permettre de bénéficier de conditions de rémunération plus équitables. Les règles en matière de détachement s’appliqueront donc au cabotage (transport de marchandises effectué par des transporteurs non-résidents dans un autre état membre à titre temporaire) et aux opérations de transport international, à l’exception du transit, des opérations bilatérales (aller et retour d’un état membre à un autre) et des opérations bilatérales avec deux chargements ou déchargements supplémentaires.

2 - Temps de conduite, repos et hébergement

Les nouvelles règles concernent essentiellement les temps de repos et les conditions d’hébergement hors du domicile. Les entreprises devront organiser les temps de travail de façon à ce que les conducteurs du secteur du transport international de marchandises puissent rentrer chez eux à intervalles réguliers (toutes les trois ou quatre semaines, en fonction des horaires de travail).
Afin d’éviter les nuits passées dans la cabine du camion, les nouvelles règles imposent à l’entreprise de payer les frais d’hébergement si le conducteur ne peut rentrer à son domicile, lorsqu’il prend son repos hebdomadaire normal ou un temps de repos de plus de quarante-cinq heures pris en compensation de la réduction d'un temps de repos hebdomadaire antérieur. Le texte précise que le lieu d’hébergement doit être adapté aussi bien pour les femmes que pour les hommes, et comporter un matériel de couchage et des installations sanitaires adéquats.


3 - Prévention des fraudes

Le tachygraphe est généralisé. Il s’agit d’un instrument qui permet d’enregistrer toutes les activités d’un véhicule (distance parcourue, la vitesse, le temps de conduite) et le temps de repos et qui est obligatoire actuellement dans les véhicules de marchandises de plus de 3,5 tonnes. La présence d’un tachygraphe dans tous les camions et les véhicules utilitaires légers de plus de 2,5 tonnes permettra de constater chaque passage de frontière et pour éviter le recours systématique au cabotage, une période de carence de quatre jours sera introduite avant que d’autres opérations de cabotage puissent être effectuées dans le même pays avec le même véhicule.
Pour faire échec aux sociétés « boîtes aux lettres » (pour résumer, des sociétés sans réelle activité qui n’existent que comme adresse postale - d’où leur nom - afin de contourner les obligations légales en matière de rémunération et de charges sociales, notamment), les nouvelles règles imposent aux sociétés de transport routier de démontrer qu’elles ont un volume important d’activités dans l’état membre où elles sont enregistrées. De plus, elles prévoient que les camions doivent rentrer au centre opérationnel de l’entreprise toutes les huit semaines.

 

Réactions

La Confédération européenne des Syndicats (CES) s’est réjouie dans un communiqué de l’adoption de cet ensemble de textes qui répond aux demandes qu’elle avait formulées. Elle rappelle qu’il y a plus de quatre millions de transporteurs routiers dans l’Union européenne et que 3 310 personnes ont été tuées dans des accidents impliquant des poids lourds. Au coût humain de l'insécurité routière, s’ajoutent les conditions indignes et dangereuses de travail subies par de nombreux conducteurs. C’est pourquoi, la nouvelle législation est saluée par la CES.

De même, les pays de l’ouest de l’UE, se réjouissent, à l’instar de la France de cette nouvelle offensive gagnée contre le dumping social entre pays européens qui permettra de rééquilibrer le marché du transport routier entre les différente entreprises des pays membres.

Et tant pis si à l’est de l’UE, on fait grise mine. La Bulgarie, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie qui fournissent un fort contingent de travailleurs détachés, et en particulier dans le secteur du transport routier, voient dans ces règles une victoire des pays de l’ouest à leur détriment. Ce qui est certainement vrai. Dans ces pays, le transport routier est un pan non négligeable de l’économie et ils ont largement bénéficié de la possibilité de pouvoir opérer sur le marché intérieur, grâce au faible coût de la main d’œuvre qui permet à leurs entreprises de proposer des tarifs avantageux, et grâce aussi à une utilisation opportune des imprécisions et des failles de la législation sur le détachement. Pêle-mêle, les opposants à la réforme ont souligné l’aggravation du fossé entre les pays riches et les pays pauvres de l’UE, le « protectionnisme » des pays de l’ouest, ou encore l’impact écologique de l’obligation faite aux camions de revenir régulièrement dans leur pays d’origine.

Ces dissensions expliquent qu’il a fallu trois ans de négociations ardues pour parvenir au vote de la réforme par le Conseil et ensuite, par le Parlement européen.

Les règles sur le détachement et sur les retours des camions s’appliqueront 18 mois après la publication au journal officiel de l’Union européenne (qui devait intervenir cet été). Les règles sur les temps de repos et de travail s’appliqueront, en revanche, 20 jours après la publication du règlement qui les prévoit.

 



 

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  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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