Amazon soupçonnée de concurrence déloyale par la Commission européenne
Amazon n’est pas très populaire en cette année 2020, ce qui ne l’empêche pas de voir son chiffre d’affaires grimper à des hauteurs stratosphériques. Car si les commerçants n’aiment pas le géant de la vente en ligne, les consommateurs, eux, l’adorent. En France et en Allemagne, respectivement 70 % et 80 % des personnes qui achètent en ligne ont acheté un produit chez Amazon au cours des douze derniers mois (1)
Mais voila, être un des membres du club très fermé des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) expose à faire l’objet de l’attention pas forcément bienveillante des autorités qui veillent sur le respect des règles de concurrence, et notamment, de la Commission européenne.
Le 17 juillet 2019, celle-ci a annoncé l’ouverture d’une procédure formelle d’examen en vue de savoir si l’utilisation, par Amazon, de données sensibles provenant de détaillants indépendants qui vendent sur sa place de marché (marketplace) viole les règles de concurrence de l’Union européenne.
Deux dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sont invoquées : l’article 101 qui interdit les accords et décisions d'associations d'entreprises contraires à la concurrence qui empêchent, restreignent ou faussent le jeu de la concurrence au sein du marché unique de l'Union, et l'article 102 qui interdit les abus de position dominante.
La Commission rappelle qu’Amazon collecte en permanence des informations sur les activités exercées sur sa plateforme. Ces informations précieuses qui concernent les vendeurs, leurs produits, leurs ventes, le nombre de visites sur la place de marché peuvent affecter la concurrence dans la mesure où Amazon, elle-même vendeur au détail, peut en tirer avantage pour renforcer sa position (par exemple, en repérant les produits qui se vendent bien et en ajustant ses prix sur ce type de produits). L’enquête de la Commission porte aussi sur le fonctionnement de la «Buy Box», le bouton jaune placé dans les fiches des produits qui permet aux clients d'ajouter directement des articles d'un détaillant particulier dans leur panier . On sait que la grande majorité des transactions (80% selon la Commission européenne) passent par elle : pour un vendeur sur la marketplace, pouvoir vendre grâce à cette fonctionnalité est donc essentiel. Mais seuls certains vendeurs sont sélectionnés pour en bénéficier. Et la Commission européenne s’interroge sur les critères appliqués par Amazon pour faire cette sélection et, en particulier, sur l’utilisation potentielle des informations dont elle dispose. En théorie, les critères pris en compte sont le prix de vente, la qualité de service, les délais de livraison, la réputation du vendeur comme l’explique Amazon. Mais que se passe-t-il pour les vendeurs qui proposent des produits similaires aux siens à un prix inférieur ? Il est facile de les évincer en ne leur permettant pas d’accéder à la Buy Box et ainsi d’éliminer des concurrents plus compétitifs, au détriment des intérêts des consommateurs.
La Commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, madame Vestager, a présenté ses premières conclusions lors d’une conférence de presse du 10 novembre 2020. Celles-ci sont qu’Amazon abuserait de sa position dominante (en France et en Allemagne, respectivement 70 % et 80 % des personnes qui achètent en ligne ont acheté un produit chez Amazon au cours des douze derniers mois). Grâce à la masse de données traitées par son algorithme, elle concentrerait ses offres sur les produits qui se vendent le mieux ce qui marginalise les autres vendeurs et les empêche de croître.
C’est pourquoi la Commission a décidé de passer à l’étape suivante en adressant une communication de griefs à Amazon.
Mais elle a également annoncé, le 10 novembre, l’ouverture d’une seconde enquête portant sur les pratiques commerciales d’Amazon dont elle pense qu’elles peuvent être des pratiques anticoncurrentielles prohibées par le droit de l’Union. La Commission veut savoir si les critères fixés par Amazon pour sélectionner les vendeurs qui bénéficieront de la « Buy Box » et permettre aux vendeurs de proposer des produits dans le cadre du programme de fidélisation Prime conduisent à privilégier l'activité de détail d'Amazon ou des vendeurs qui utilisent ses services logistiques et de livraison (le service « expédié par Amazon »). Les questions qui se posent sont multiples. Les commerçants qui ne recourent pas aux services d’Amazon pourraient être désavantagés d'une façon qui compromettrait leur viabilité. Ce qui pourrait pousser artificiellement les détaillants à utiliser ses services et donc les rendre dépendants de son système. Et que se passe-t-il s’ils veulent vendre sur des places de marché concurrentes ?
L’annonce de la Commission intervient à un moment où des commerçants, en France notamment, se plaignent de la concurrence du e-commerce alors que certains commerces physiques sont fermés en application de mesures de confinement. Le marketplace peut être une solution pour leur permettre de proposer de proposer leurs produits en ligne, mais encore faut-il qu’Amazon ne fausse pas la concurrence. D’où l’enquête de la Commission. Elle s’inscrit plus largement dans une remise à plat de la législation de l’Union européenne sur le e-commerce pour prendre en compte les évolutions qu’a connu celui-ci.
Etapes des procédures du droit de la concurrence de l’Union européenne
Accords anticoncurrentiels (ententes)
Celles-ci peuvent faire appel des décisions de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne. Et les victimes d’ententes ou de violations des règles antitrust peuvent être indemnisées. |
Abus de position dominante
Les entreprises peuvent contester la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne. |
Voir aussi les questions-réponses en droit de la concurrence de l’Union européenne