FAQ de droit de l'Union européenne - Reconnaissance mutuelle et exécution des décisions
Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale
Le règlement no 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale a pour objectif de faciliter l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dans toute l’UE. Les questions de droit de la famille, de faillite et d’héritage, ainsi que d’autres matières énumérées dans le règlement n’entrent pas dans son champ d’application.
Le règlement énonce des règles de compétence juridictionnelle. Le principe général est celui de la compétence de la juridiction du domicile du défendeur sauf règles particulières qui concernent par exemple, les contrats conclus par les consommateurs, les contrats de travail ou encore les matières faisant l’objet d’une compétence exclusive des juridictions (par exemple, en matière de droits réels immobiliers). Une autre exception concerne les accords d’élection de for : accords par lesquels les parties ont désigné une ou plusieurs juridictions pour trancher le litige. La juridiction désignée doit se prononcer sur sa compétence, qu’elle ait été saisie en premier ou en second lieu et toute autre juridiction doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction désignée ait établi sa compétence ou l’ait rejetée si l’accord est jugé invalide.
Le principe de reconnaissance mutuelle permet de rendre exécutoires les décisions de justice rendues dans un pays membre dans tous les autres pays sans procédure supplémentaire, de type exequatur.
Comment se passe l’exécution de la décision ?
Le règlement dispose que la personne contre laquelle l’exécution est demandée est informée par un « certificat relatif à une décision en matière civile et commerciale ». Celui-ci est établi à la demande de toute partie intéressée (un modèle figure dans le règlement). Il est accompagné de la décision si celle-ci n’a pas encore été notifiée.
Le règlement prévoit que la personne contre laquelle l’exécution est demandée peut dans certains cas, demander le refus de la reconnaissance ou de l’exécution de la décision (articles 45 et 46).
Compétence en matière contractuelle : action de passagers aériens en indemnisation
Les règles de compétence du règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012 en matière contractuelle s’appliquent à l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance, intentée sur le fondement du règlement (CE) nº 261/2004 du 11 février 2004, sur l’indemnisation et l’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Elles s’appliquent y compris contre un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés.
Par conséquent, la juridiction compétente est celle du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande (article 7-1 du règlement).
Dans le cas d’un vol avec correspondance, le "lieu d’exécution" est le lieu d’arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de ce vol avec correspondance est fondé sur un incident ayant eu lieu sur le premier vol, effectué par le transporteur aérien qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés.
CJUE, 7 mars 2018, aff.C-274/16, C-447/16 et C-448/16, flightright GmbH
Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle
La notion de lieu où le fait dommageable s’est produit qui détermine la juridiction compétente couvre-t-elle le lieu de la matérialisation du dommage ou le lieu de l’évènement causal à l’origine du dommage ? La Cour a estimé qu’il ne fallait pas faire de cette notion une interprétation trop extensive et qu’elle ne doit pas être interprétée comme englobant tous les lieux où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d’un fait ayant déjà causé un dommage effectivement survenu dans un autre lieu.
Dans une affaire de demande en réparation d’un dommage résultant de pratiques anticoncurrentielles, la Cour considère qu’une perte de ventes prétendument subie à la suite de comportements anticoncurrentiels est susceptible d’être qualifié de dommage et que le critère pour déterminer la juridiction compétente est le lieu la matérialisation du manque à gagner c’est-à-dire le lieu du marché affecté par les comportements concurrentiels au sein duquel la victime prétend avoir subi ces pertes.
CJUE, 5 juillet 2018, aff.C-27/17, flyLAL-Lithuanian Airlines
Compétence en matière de contrat de fourniture de transport de marchandises en plusieurs étapes entre deux États membres
En matière de prestation de services la juridiction compétente est celle du lieu où le service a été fourni ou aurait du être fourni. Dans le cadre d’un contrat de transport d’une marchandise entre états membres en plusieurs étapes, avec escales, et au moyen de différents modes de transport, le lieu d’expédition et le lieu de livraison de la marchandise constituent des lieux de fourniture du service de transport
CJUE, 11 juillet 2018, aff.C-88/17, Zurich Insurance plc et Metso Minerals Oy contre Abnormal Load Services (International) Ltd
Reconnaissance des mesures de protection en matière civile
Le règlement (UE) n°606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 permet la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile. Il a pour but de donner aux victimes de violences, par exemple harcèlement ou violences domestiques, ou aux personnes dont l’intégrité physique, psychologique ou la liberté sont menacées et qui bénéficient d’une mesure de protection dans un pays de l’Union européenne, le même niveau de protection dans les autres pays membres dans lesquels elles voyagent ou résident.
Les mesures de protection sont délivrées par une autorité judiciaire ou autre sur demande de la personne menacée. Nombre d’entre elles sont ordonnées sans que l’auteur des menaces ne soit convoqué, notamment dans les cas de procédures d’urgence.
Un certificat multilingue standard permet au pays de l’UE dans lequel la personne menacée se rend de reconnaître la mesure de protection ordonnée dans le premier pays européen sans autres formalités intermédiaires.
Concrètement, l’autorité compétente du premier pays délivre le certificat à la personne sous protection et en informe l’auteur des menaces. La personne protégée fournit le certificat et une copie de la mesure de protection aux autorités compétentes du second pays, qui veille à son exécution.
Procédure européenne d'injonction de payer
Le règlement no 1896/2006 du 12 décembre 2006 institue une procédure européenne d'injonction de payer. Elle a pour but de permettre à des créanciers confrontés à des débiteurs de mauvaise foi et à des paiements tardifs de recouvrer rapidement et à moindre coût leurs créances à condition que celles-ci ne fassent l’objet d’aucune contestation juridique.
La procédure européenne d’injonction de payer s’applique aux matières civiles et commerciales impliquant des parties vivant dans différents pays membres de l'Union européenne. L'injonction ne peut pas être délivrée dans des affaires concernant les matières fiscales, douanières ou administratives, la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique, les régimes matrimoniaux, les faillites, la sécurité sociale, les créances qui découlent d’obligations non contractuelles, sauf exceptions (par exemple s'il y a une reconnaissance de dette).
Opposition
Le défendeur mis en cause dans une procédure européenne d'injonction de payer peut contester. Une opposition tardive peut être admise en cas de cas de force majeure, ou si trois conditions sont remplies : des circonstances extraordinaires qui ont empêché le défendeur de contester la créance dans le délai prévu, l’absence de faute de sa part et, enfin, qu'il agisse promptement. Ces trois dernière conditions sont cumulatives.
Le non-respect du délai pour former opposition à une injonction de payer européenne en raison du comportement fautif du représentant du défendeur, ne justifie pas un réexamen de cette injonction de payer.
CJUE, Ordonnance du 21 mars 2013, aff.C-324/12, Novontech-Zala kft. Contre Logicdata Electronic & Software Entwicklungs GmbH
Signification ou notification d'une injonction de payer européenne au défendeur
Une injonction de payer européenne est signifiée ou notifiée au défendeur accompagnée de la demande d’injonction rédigée ou accompagnée d’une traduction dans une langue qu’il est censé comprendre, ainsi que le requiert l’article 8§1 du règlement no 1393/2007 (Règlement nº 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les états membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale). Le défendeur doit être informé, au moyen du formulaire type qu'il a le droit de refuser de recevoir l’acte en cause.
Faute de quoi, l'injonction n’acquiert pas force exécutoire et le délai imparti au défendeur pour former opposition ne peut commencer à courir.
CJUE, 6 septembre 2018, aff. C-21/17, Catlin Europe SE contre O.K. Trans Praha spol. s r.o.