Durcissement des règles sur l'immigration dans l'Union européenne
Au fur et à mesure que les élections portent au pouvoir des partis hostiles à l’immigration, l’Union européenne se voit contrainte de revoir des règles devenues impopulaires et dont l’efficacité est contestée. L’heure n’est pas à l’ouverture des frontières (si tant qu’elle l’ait jamais été) mais au rétablissement de celles-ci, du moins à l’extérieur de l’UE. Car la question de l’immigration clive les pays et leurs populations et pourrait devenir un danger mortel pour l’intégration européenne et la cohésion nationale.
C’est pourquoi la Commission européenne propose de changer les règles applicables (directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier). Objectif : faciliter les expulsions des migrants en situation irrégulière.
A-t-elle le choix ?
Il lui faut compter avec des forces politiques favorables à un durcissement des règles. Viktor Orban le hongrois, Herbert Kickl l’autrichien, Geert Wilders le hollandais : autant de leaders connus pour leur combat contre l’immigration et influents. L’italienne Georgia Meloni, elle, vient d’expédier des candidats à l’asile en Italie au centre de rétention ouvert en Albanie pour y traiter leurs demandes. Mais la fronde n’est pas seulement le fait de personnalités ultraconservatrices voire d’extrême droite. Le chef du gouvernement polonais, le centriste Donald Tusk, a annoncé le 12 octobre dernier son intention de suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants entrant illégalement en Pologne et demande à l’UE de ne pas le désavouer (difficile car c’est un tabou pour l’UE). La France, de son côté, annonce une nouvelle loi sur l'immigration. Etc…
Pour l’exprimer de façon lapidaire : si l’UE veut sauver la "bonne" immigration (légale, asile) dont a besoin son économie, elle doit sévir contre la "mauvaise".
Enfin, et il faut en être conscient, la réforme proposée s’inscrit dans une évolution amorcée depuis plusieurs années (voir par exemple sur ce site : Imaginez la "forteresse" Europe) qui a donné lieu récemment à l’adoption du Pacte sur l’immigration et l’asile).
Que propose la Commission ?
- Une approche commune des retours : des obligations claires de de coopération, l’accélération des retours grâce a la numérisation et à la reconnaissance mutuelle des décisions d’expulsion.
- Des solutions « innovantes » contre l’immigration illégale : par exemple, externalisation (hors UE) des centres de rétention où s’examineront les dossiers en s’inspirant de l’accord entre l’Italie et l’Albanie.
- Application accélérée du Pacte sur la Migration et l’Asile (celui-ci devait entrer en vigueur dans les deux ans).
- Priorité donnée à la collaboration avec les états tiers « névralgiques » comme l’Egypte, le Maroc et l’Algérie, mais aussi la Mauritanie, le Sénégal, le Mali.
- Aide financière aux réfugiés syriens et à la Turquie dans la gestion des frontières.
- Harmonisation de la politique des visas pour « améliorer la coopération avec les pays tiers pour la réadmission »
- Adoption urgente des mesures en discussion pour sanctionner les trafiquants d’êtres humains
- Préserver le cadre Schengen en le renforçant (gestion intégrée des frontières).
Ces propositions, dont certaines sont encore bien vagues n’ont pas convaincu. Donald Tusk, par exemple, a réaffirmé dans un post sur X : « le contrôle des frontières et la sécurité territoriale de la Pologne sont et seront notre priorité » en réponse à la « guerre hybride déclarée à l’UE par les régimes de Moscou et de Minsk » qui instrumentalise le droit d’asile.
Le Conseil européen qui commence demain s’annonce tendu.